On ne sait pas exactement ce qui est arrivé. Une des pistes possibles serait celle du BUG DU MILLENIUM : au passage du 31 décembre 1999 à l’an 2000, les compteurs électroniques (soumis peut-être à un trop plein de mémoire) auraient « bugué ». Et au lieu de passer au 1er janvier 2000, seraient revenus au 1er janvier 1900 (comme si le vingtième siècle n’avait jamais eu lieu !).

La lumière se lèverait donc sur des personnages rendus IDIOTS par un trou de mémoire. Devant nous, ils tenteraient avec l’énergie du désespoir, de restituer l’Histoire du 20e siècle, avec tous les raccourcis hilarants ou terrifiants que ce traumatisme a produit. Par exemple : dans une même phrase peuvent se côtoyer l’invention du soutien-gorge et la conception nazie de l’art dégénéré, le positivisme et l’apparition de la poupée Barbie…
Quel DÉSORDRE !

Catastrophés, ils y découvriraient peu à peu les deux faces prométhéennes de leur identité : toujours à bâtir et plein d’espoir dans le progrès et la raison. Et toujours à recommencer les destructions, les barbaries, les archaïsmes de la déraison.

Nous avons adapté le livre d’un poète tchèque, Patrik Ourednik (un parent de Kafka à n’en pas douter) et qui a trouvé cet effet d’étrangeté pour convoquer, à la manière provocante des Dadaïstes, le dernier siècle, dans toute sa cruauté et son absurdité.

Pour mettre les spectateurs au coeur de l’expérience de ce trou de mémoire, nous allons les faire se pencher au bord d’une fosse, celle d’un objet forain appelé « Mur de la mort » : un cylindre de bois où des cascadeurs à moto tournaient sur les parois, en utilisant la force centrifuge.

Le texte commence ainsi : « Les américains qui ont débarqué en 1944 en Normandie étaient de vrais gaillards, ils mesuraient en moyenne 1m73 et si on avait pu les ranger bout à bout, plante des pieds contre crâne ils auraient mesuré 38 kilomètres… »

Solange Oswald