Suivre aussi Jean-Luc Lagarce sur :
Les Molière à la télévision
Fête de charité
Article paru dans 7 à Paris en 1988 à propos de la cérémonie des Molières signé Paul Dasthré (inspiré d’un personnage balzacien‚ cf. Le Roman de Jean-Luc Lagarce de J.-P. Thibaudat) qui est le pseudonyme sous lequel Jean-Luc Lagarce écrivit quelques articles dans la presse.
La télévision n’est jamais aussi vulgaire que lorsqu’elle
feint de s’intéresser à un objet qu’elle méprise.
La télévision méprise l’Art. Il est son ennemi juré‚ il
met en évidence‚ sans un mot – il suffit de les confronter
–‚ sa petitesse et lui rappelle qu’elle n’est rien de
plus qu’un outil. La télévision est un médium – ce n’est
pas rien – mais elle souhaite ardemment devenir un
spectacle à part entière. Dès lors‚ elle s’appuie sur
l’Art‚ entre autres choses‚ pour s’élever au-dessus de
sa condition. Elle le vampirise. Elle le réduit à ses
propres dimensions (« on ne voit rien ») et elle l’oblige
à parler le même langage qu’elle.
La télévision se croit essentielle. Elle a raison‚ c’est
elle qui fait la pluie et le beau temps. Elle peut rendre
célèbre n’importe qui et le faire disparaître en l’oubliant.
Elle est le plus grand dénominateur commun : fatalement‚
au nom du populaire‚ elle se laisse aller au
populisme et nivelle par le bas. À quand un Ministère
de la Communication et (accessoirement) de la Culture
?
Quand la télévision fait sa fête au théâtre‚ elle se
soucie moins de l’Art en question – il suffit de regarder
les programmes pour constater qu’elle s’en fiche royalement
– que de le réduire à son moule‚ s’en servir pour
sa propre cause. Et comme le seul but de la télévision‚
actuellement‚ est de remplir le temps qui lui est imparti
et de ratisser large‚ ce qu’elle nomme une fête devient
un défilé longuet de gens connus du plus grand nombre.
C’est mal cuisiné mais il y a beaucoup de plats.
Le problème avec le théâtre‚ c’est qu’il n’y a pas de
« vedettes ». Une vedette est fabriquée par la télévision‚
y compris celles du cinéma‚ et comme elle n’a
que faire du théâtre‚ les organisateurs se retrouvent en
manque. Les seules vedettes du théâtre qu’on puisse
connaître sont celles du théâtre télévisé‚ tendance
Sabbagh ou celles du cinéma‚ revenues à la source
(« C’est là qu’est mon seul amour... »). On se retrouve
donc‚ pour « honorer » le théâtre‚ avec une cohorte de
gens‚ tous respectables au demeurant‚ mais dans bien
des cas‚ à des années-lumière de ce qu’est la réalité de
ce métier. Le temps de devenir une vedette grâce à la
télévision et le train est largement passé.
D’où l’aspect fête de charité‚ amicale des anciens
élèves‚ gala de l’Union des artistes ou noces d’or des
grands-parents.
Pourtant‚ devant tant de vulgarité‚ un pauvre digne et
magnifique fait taire la médiocrité. Terzieff parle. Et la
télévision la ferme. Elle ne gouverne plus. Elle est à son
service‚ elle doit se rapprocher de lui‚ le cadrer comme
un acteur‚ et non comme un présentateur. Il ne la
regarde pas‚ il parle au public. Il prend son temps‚ pas
de chronomètre dans la poche. Il est un acteur‚ le
théâtre sur la scène. Et paradoxalement‚ il fait de la
bonne télévision.
Les dames patronnesses en restent un instant bouche
bée : le théâtre est grand‚ il se suffit à lui-même‚ il ne
rêve pas de « passer à la télé »‚ il ne demande qu’à
vivre. Les médailles‚ c’est bon quand on est mort.
Paul Dasthré
Laurent Terzieff discours de remerciement pour le Molière du meilleur metteur en scène
2 mai 1988 (INA) - Laurent Terzieff parle du théâtre qu'il aime et qu'il veut promouvoir, et explique son bonheur de recevoir un tel trophée, rendant hommage aux grands metteurs en scène de théatre qui l'ont précédé.
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