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Temps

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mise en scène Wajdi Mouawad

: Qu'il soit mythique

par Wajdi Mouawad

J’avance à pas comptés et mot à mot jusqu’au dernier, lequel je l’espère, surgira sans que je ne le réalise complètement.

Nous sommes trempés, imbibés, par des temps différents. Des temps reliés à des conceptions qui ont fondé nos civilisations. Ainsi, dans la Grèce antique et encore aujourd’hui en Inde, le temps est traversé par un mouvement circulaire qui nous renvoie au mythe et à la croyance que nous avançons, à l’image des saisons, dans un rapport elliptique, en saut, selon une cohérence relevant davantage d’un dialogue entre les morts et les vivants, animaux et végétaux compris que selon une rationalité objective appuyée sur les faits et la raison.

En Occident, le temps s’est construit suivant non pas le cercle, mais la flèche. Le temps avance et ne revient jamais selon une logique de cause à effet. Ce temps-là, plus historique que mythique, dialogue avec les évènements du monde qui jalonnent son évolution, devenant sa mémoire et forgeant son identité.

Mais le temps, qu’il soit mythique ou historique, se pose toujours la question du mal. Comment résoudre cette énigme ? Cette question a donné naissance à un temps, moderne, qui est tendu tout entier vers sa finalité, vers la fin de ce temps, lorsque tout enfin sera résolu. Ce temps-là, messianique, repose sur l’attente, comme si le temps consistait à espérer et à se préparer.

Temps, à travers trois enfants, deux frères et leur soeur ainée, s’est avéré être une rencontre entre ces trois temps, celui d’Edward l’historique, de Noëlla la mythique et d’Arkadiy le messianique.

Si j’écris « s’est avéré », c’est que précisément, cela nous est apparu en cours des répétitions de ce spectacle dont nous ne savions rien au premier jour. C’est François Ismert, ancien parachutiste, aujourd’hui un compagnon artistique dans mes créations, qui nous a révélé, lors d’une répétition, cet aspect du récit qui se développait pour ainsi dire devant nos yeux. Cela a permis une accélération de notre travail, comme si cette conception différente des temps, sans être évidente ni visible pour le spectateur (qui ne verra que trois enfants se retrouver), nous donnait toute l’architecture du spectacle.

Ce spectacle, il se trouve que je n’ai pas fini de l’écrire à l’heure où j’écris ce mot destiné aux théâtres du Trident, du Centre national des Arts, d’Aujourd’hui et celui de la Shaubhune à Berlin qui accueillent tour à tour la création de Temps, création qui doit son existence à l’impulsion de Gill Champagne, directeur artistique du Trident, qui m’a approché pour créer un spectacle à l’occasion du 40e anniversaire du Théâtre du Trident. Cela signifie donc que tout est encore dans une pénombre. J’avance à pas comptés et mot à mot jusqu’au dernier, lequel je l’espère, surgira sans que je ne le réalise complètement.

Les théâtres ont été sublimes tant j’ai été entêté dans mon besoin de ne rien dévoiler et ne rien dire trop tôt ni trop vite. Ils ont été formidables, car ils ne m’ont pas obligé. Au contraire. Et je veux ici sincèrement les remercier. Il y aurait beaucoup à dire sur cette liberté qui m’a été accordée pour travailler dans un vertige aussi affolant qu’inspirant. En ce jour de fin janvier, je me dois de leur faire parvenir un synopsis, un résumé de l’histoire, pour les aider à travailler et à préparer la rencontre avec le public. Idéalement, j’aime ne rien dire, ne rien laisser filtrer. Cela vient de cette envie que la surprise soit entière pour les premiers spectateurs, que cela ne soit pas trop usé avant que de commencer. Mais ces équipes ont été très attentionnées avec moi et je me dois de faire au moins un petit effort. Je dirais alors en guise de synopsis ceci :

Deux frères et une sœur se retrouvent, quarante ans plus tard, pour liquider la succession de leur père mourant. Cela se passe en hiver, dans la ville minière de Fermont, à la frontière avec le Labrador, où les températures peuvent descendre jusqu’à – 60°. Pour lutter contre la violence des vents, un mur-écran a été construit dans lequel vivent les habitants de Fermont dont la plupart sont employés par la compagnie qui gère la mine de fer. Entre l’intérieur de la maison où a lieu la rencontre des enfants et l’extérieur où les vents violents qui balaient la ville n’empêchant nullement une invasion de ses rues par une horde de rats, quelque chose va sourdre, comme une blessure mortelle et ancienne, que les enfants vont devoir confronter pour retrouver, peut-être, une sensation de légèreté. Mais la légèreté se paie aujourd’hui au prix fort. Ils en feront l’expérience.

Dossier de presse - Théâtre d'Aujourd'hui

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