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Jojo le récidiviste

+ d'infos sur le texte de Joseph Danan

: La pièce

On est maman et moi. Nous sommes sans parole. Pas de mot par ici.
On voudrait vous dire quelque chose. Mais ce sera difficile.
On préfère disparaître dans le noir.
Pas de mot on vous dit. Des cris parfois : un prénom proféré, toujours le même, le mien, Jojo. Jojo c’est moi, l’enfant.
Je comprends tout d’une gifle ou d’un regard.
Un jour, je suis à Babel et comme mes ancêtres avant moi, je tente de hisser le plus haut possible une construction qui me mènera, je le pense, à la connaissance.
J’expérimente aux dépens du bon ordre. C’est sûr, on dira de moi : « Il a bien mérité sa torgnole ! ».
Je ne crains pas de recommencer dès qu’on a le dos tourné. Je suis un récidiviste.
En incisant les fleurs que j’ai préalablement renversées sur le tapis, je poursuis mon apprentissage du monde.
Quand je deviens sombre persécuteur, légumes et des fruits succombent sous la pression sadique de mes mains.
Des mains qui violentent, des mots qui invectivent : Je connais très bien ce jeu. On y joue souvent chez moi.
Je suis l’acteur principal d’un polar retentissant.
C’est ce que je crois et vous aussi.
Je suis un inventeur dévastateur.
Je suis un artiste.
J’aimerai parler à quelqu’un.
Mais une fois le combiné du téléphone en main, quand ça décroche, je m’abstiens.
Je voudrais partir.
Je fais mes valises et prend ma torgnole.
Fin de l’enfance. Début de l’adolescence.
Je ne suis pas l’enfant de Mr et Mme Danan mais Joseph Danan c’est moi.
Au « café du coin », on joue les alcoolos avec les potos.
Je drague Delphine.
J’essaie de l’impressionner, de lui toucher la joue du bout des lèvres.
Je dis adieu à mon nounours car j’ai décidé d’enterrer mon enfance.
Et quand on me demande le pourquoi du comment, je n’ai vraiment rien à répondre.
La nuit, les fantômes rôdent dans la maison, on joue à se faire peur.
On erre, on ne dort pas.
Un jour, je me tire une balle dans le pied. Méthodiquement, consciencieusement.
Un autre jour, je crie « Sauvez l’enfant ! » et la maison pleure des seaux d’eau entiers.
Je voudrais mourir dans la pampa et que quelqu’un vienne me sauver.
Quelqu’un est là qui m’appelle, mais je n’ai plus la force de parler.
Pas de mot par ici.
Alors je mets le feu à l’appartement, tente une évasion par la fenêtre.
Pour en finir.
Mais un jour je fais naître un espoir gros comme un polochon.
Je survis quelques temps à l’état sauvage.
Je tue le canari.
La cage est vide à présent.
Un jour, le dernier, je dis adieu à la maison et un grand bonjour au soleil.

Delphine Lamand

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