Une guerre qui balaie des vies dans un terrible processus de déshumanisation...

Marc Dugowson est un auteur possédé par l’Histoire. Ses textes, fruits d’une longue phase de documentation (des années), dessinent comme nul autre auteur contemporain de théâtre le parcours déchiré du XXème siècle et les violences qui l’ont marqué.

En 2005, Un Siècle d’industrie (déjà mis en scène par Paul Golub) décrivait minutieusement la vie d’une petite entreprise allemande qui fabriquait des fours crématoires pour les camps d’extermination nazis ; la pièce révélait le cheminement quotidien par lequel, n’importe qui peut arriver à participer activement à un génocide...
Dans le vif continue cette interrogation sur la faillite du genre humain, en nous plongeant dans le tourbillon de la guerre 14-18, un conflit qui voit mourir plusieurs millions de soldats (dont un million de “Poilus” Français) mais aussi beaucoup de civils...

D’une langue incisive et puissante, mais non dénuée d’humour, Marc Dugowson redonne voix aux “oubliés” de la Grande Guerre. Transcendant la simple restitution historique, il fait partager la tragédie d’un homme dont le seul tort est d’être né au mauvais endroit, au mauvais moment. Il raconte surtout un processus de déshumanisation qui frappe tant d'Européens au cours de ce premier conflit mondial et inaugure une déliquescence du corps social et politique. Marquée par le génocide des Arméniens, cette perte de tout sentiment humain voit son origine dans la brutalité des rapports sociaux du capitalisme naissant, des guerres coloniales et l'utilisation d'armements de tuerie massive contre les militaires et les civils. Elle préfigure une criminalisation à l'échelon des sociétés humaines ; celle qui conduira à la destruction des Juifs d'Europe par les Nazis... De Jules- Etienne Scornet à nous-mêmes, un mouvement de dépossession toujours à l’oeuvre...

Une guerre étonnamment absente du répertoire théâtral...

Des livres, des films racontent la guerre 14-18, mais très peu de pièces s’en inspirent. Marc Dugowson est l’un des rares auteurs à s’être penché sur la période. Son texte, ancré soigneusement dans les faits, parle d’un sujet grave, mais avec une évidente jubilation, une langue abrupte “ciselée au burin” (phrases très courtes), des personnages fortement dessinés, et une trame qui, d’un coup de baguette magique, télescope l’histoire de toute une époque avec celle des individus qui la composent, en un seul “coup de poing” narratif.