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Incandescences

de Ahmed Madani


Incandescences : Ecrire Incandescence(s)

Par Ahmed Madani

  • Je prends deux morceaux de la réalité et je les frotte pour que le feu de la fiction en jaillisse. P. Roth

Mon écriture se nourrit de l’histoire personnelle de chacun des interprètes, du bruissement de la vie et de notre histoire contemporaine. En décidant de réaliser une trilogie sur la jeunesse des quartiers populaires, je souhaite nourrir mon inspiration de la réalité brute de la vie de cette jeunesse.


J’entends écrire un livre vivant dont les héroïnes et les héros seront réunis sur la scène pour dessiner une topographie intime, poétique et joyeuse des nouveaux contours de l’identité française.


J’ai, depuis de nombreuses années, le désir de raconter une part tue de mon histoire familiale et j’ai souhaité que ce récit ne soit pas pris en charge par des acteurs professionnels mais par des jeunes garçons et des jeunes filles qui ont grandi dans les cités.


Écrire Incandescence(s), c’est prendre en considération la matière humaine dont sont pétris les protagonistes de cette aventure. Ainsi le premier pilier dramaturgique de l’écriture sera le travail de  « collectage in situ », que certains pourraient qualifier d’ethnographique, que je réaliserai auprès des protagonistes au jour le jour, sur le plateau, lors d’entretiens, lors de séances d’exploration par le récit, l’écrit ou l’improvisation. Chaque interprète, dès les stages-auditions, aura adhéré à une méthode de travail fondée sur l’évocation de l’intime, du partage, dans une dialectique du don et contre-don, d’histoires, de récits de vie, de souvenirs récupérés auprès des générations aînées. Si tu m’offres une histoire, je t’en offre une autre en échange. C’est la troisième génération issue de l’immigration post coloniale : les interrogations de ces jeunes sur leur passé méritent d’être éclairées par leurs aînés. Entre nous s’instaure un échange de bons procédés : je les guide vers eux-mêmes pour mieux trouver le chemin qui me mène à moi-même. Hormis quelques événements qui ont fortement marqué mon enfance et dont j’ai le désir de parler, je souhaite surtout écrire à partir des réponses qu’ils apporteront aux questions que je leur poserai.


Ce collectage s’établira au travers de longues discussions collectives ou individuelles, d’ateliers de chant, de danse, d’un travail de direction d’acteurs sur la présence, le mouvement, la voix, les regards, qui sont dirigés par mes collaborateurs artistiques et moi-même afin de fournir la matière vive à l’écriture textuelle et scénique.


Concrètement, l’écriture ne démarrera réellement qu’au moment où la distribution sera établie et au premier jour de répétition. J’attends de mes premières rencontres avec l’équipe d’interprètes un rapport équivalent à celui du toréro face à son taureau. C’est dans l’arène que l’affaire se réglera. Comme dans la corrida, la peur, l’affrontement, la geste stylistique de l’évitement ou de la confrontation, de la danse, les « olé » vont donner l’impulsion physique et matérielle à l’écriture. D’ici là, je vais préparer la dramaturgie par des lectures, de la documentation, des ateliers de rencontres, du collectage d’histoires auprès d’hommes et de femmes de divers âges et diverses origines. Ainsi comme avec Illumination(s) puis F(l)ammes, je m’engagerai dans une écriture organique où s’entrelaceront événements historiques, mémoire individuelle et collective, histoire familiale et histoire nationale, récits autobiographiques, fictions, scènes oniriques, récits mythologiques.


Je juge important que la langue ne soit pas relâchée, qu’elle soit au contraire soutenue, poétique, très écrite, mais qu’elle s’autorise la possibilité de transgression à cette règle. Je n’écarte pas non plus la possibilité que certaines répliques ou monologues soient rédigés phonétiquement dans les langues « maternelles ». Ainsi, c’est avec de vrais experts de la jeunesse - les jeunes eux-mêmes, que je veux faire ce voyage au pays des zones sensibles. Mon postulat de départ est simple : dès l’instant où ce réel sera posé sur le plateau avec un effet de distanciation, qu’il soit traité comme un documentaire ou passé au filtre de l’imaginaire, il deviendra forcément un acte symbolique. Il s’agira de tracer une ligne invisible entre le jeu et l’être, entre le passé et le présent, entre le rêve et la réalité́ pour créer un événement qui relèvera néanmoins plus de la performance que du spectacle théâtral conventionnel.


Nous sommes tous des « Ready made » humains, tous des œuvres d’art en puissance. Au théâtre, il faut juste faire un pas pour passer de l’autre côté du miroir, c’est en cet endroit que j’aimerais mener ma troupe de garçons et de filles, car en cet endroit chacun verra que dans leurs veines ne coule pas un sang impur, mais le sang de la jeunesse, celui de la vie et de l’avenir.


  • Ahmed Madani

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