Sheino - Cette fois, on va l’avoir.

Dinko - Je le pense aussi.

Prodan - Moi, je ne pense jamais, mais ça vient du boulot. Déformation professionnelle. Devant moi, que des rails ; on ne peut pas penser, ni moi ni les voyageurs. Chacun sait où il va et toutes les pensées sont dirigées vers la destination finale.

Dinko - Quelle destination finale ?

Prodan - Comment, quelle destination finale ? Le terminus, bien sûr.

Dinko - Et une fois à destination, qu’est-ce que vous faites ?

Prodan - Ben quoi… demi-tour.

Filip - Que faire d’autre ?

Prodan - Peu importe où tu vas, du moment que tu vas quelque part. Certes, quand il y a un arrêt, c’est autre chose. Durant un arrêt à la gare de Roman, une femme est montée dans le train avec son amant, et son mari s’est jeté sous le train. Devinez ce qui s’est passé ?

Verka - Quoi ?

Dinko - Arrête, veux-tu. Ma femme est enceinte, quand même.

Pause. Tous restent assis à attendre la chose.

Prodan - Une chose est sûre : toute halte est momentanée. Jusqu’à maintenant, il n’y jamais eu un seul cas dans l’histoire des chemins de fer où l’arrêt du train n’ait pris fin. C’est bien pour cela que je reste tranquillement assis dans la locomotive jusqu’à ce que j’entende le signal vert.

Sheino - Entendre ?! Le signal vert ne s’entend pas, il se voit !

Prodan - En principe, oui. Mais en ce qui me concerne, je suis daltonien.

Filip - Foutaises !

Prodan - Pour moi, vert ou rouge, c’est pareil.

Sheino - Comment tu fais pour savoir quand il faut partir ?

Prodan - C’est très facile. Je reste près de la fenêtre jusqu’à ce que l’un des passagers se mette à crier « Vas-y, crétin, tu ne vois pas que le signal est vert ? », et là je repars. Vox populi, vox dei. Il n’y a pas d’erreur.