: Notes d'intention
À l'origine de la pièce
Nous nous sommes réunis autour des Brigands
de Schiller avec le désir de faire émerger nos
brigands. La pièce de Schiller est une fresque
immense, pleine de cris et de chants, ceux de
l'insoumission et de la liberté, ceux du
questionnement sans cesse répété de l'homme
sur sa condition.
À travers « nos brigands », nous nous
demandons comment des individus se
choisissent et, pensant se fédérer dans le but
de transformer le monde, se transforment
d'abord eux-mêmes. À quel moment, en effet,
un homme décide-t-il de ne plus obéir –
préférant mettre sa vie en jeu ?
La réécriture
Entre la pièce du grand répertoire romantique
allemand et la réécriture que nous proposons
s'édifie une passerelle, à la fois historique et
fictionnelle, traduisant notre volonté d'inscrire
notre travail dans un rapport au temps qui ne
soit pas en rupture mais en dialogue avec notre
héritage.
Schiller écrit Les Brigands à l'âge de vingt-et-un
ans. Il est alors étudiant en médecine à
l'école militaire de la Karlsschule. Jeune et
révolté, vivant difficilement son enfermement
dans cette institution aux règles strictes, il
trouve dans l'écriture le moyen de se libérer
d’un monde par trop oppressant. Cette
première pièce apparaît comme le cri d'une
jeunesse tourmentée et c'est ce coup d'envoi
d'une révolte que nous choisissons pour notre
première création.
C'est à partir de la mémoire de la pièce de
Schiller que nous avons imaginé Et la nuit sera calme. Elle se veut le reflet de notre jeunesse et
des interrogations qui lui sont propres :
comment une jeunesse consciente de ses
volontés d'émancipation brise-t-elle les
carcans qu'on lui impose et reformule-t-elle
ses exigences de liberté?
L'écriture de Et la nuit sera calme, renouvelant
les problématiques originales, apparaît comme
un palimpseste. On y retrouve en partie la
trame de la pièce de Schiller, mais celle-ci vole
en éclats et l'on interroge son lyrisme et ses
problématiques à l'aune des nôtres.
Bâtir un espace des possibles
C'est contre un monde croupissant et sans acte
que se dressent les personnages de notre
drame. La paix perpétuelle instituée par décret
dans tout le pays leur apparaît comme un
leurre, une machine à tuer les libertés, une
impossibilité de se créer soi-même. Au monde
ancien et enfermé dans ses idéaux s'oppose le
monde bouillonnant de la jeunesse que
représentent Karl, Franz, Amalia, Héléna,
Sarah, Moritz et Paolo.
C'est dans cette dichotomie que nous avons
pensé l'espace de notre projet. Il fallait un
espace préservé, un lieu qui serait réinventé
par les projets, l'imagination et les rêveries des
personnages : l'espace des possibles où la
transformation peut advenir.
En effet, les personnages se posent en
opposition, sont en révolte face au monde qu'on
leur laisse en héritage, ce monde leur apparaît
comme un espace clos, une cage, dont il
conviendrait de s'extirper.
Néanmoins, cet espace est également le lieu de
l'épreuve car, face à la logique
incompréhensible d'un monde qui sans cesse
se dérobe, les personnages se perdent, se
heurtent à des obstacles qui sont autant
d'empêchements à leur devenir d'hommes
libres. C'est en bordure de cet espace où
s'amassent les restes, les traces, les débris,
que nous plaçons l'espace des possibles.
Réinventer le monde
Voulant fuir l'histoire à laquelle ils sont soumis
afin de se réapproprier leur destinée, nos
personnages donnent le champ libre à leurs
fantasmes et à leurs rêves de révoltes. C'est
par la parole que les choses se transforment et
interviennent dans l'espace des possibles, un
peu à la manière dont les jeux d'enfants les
transportent au coeur-même du monde qu'ils
réinventent. Dans la pièce, la forêt, lieu où se
réfugient les insurgés, semble un lieu de
passage ; pourtant il s'ancre dans notre pièce
comme le point de voûte de notre espace
scénique. La forêt est un lieu unique et multiple
à la fois que nous choisissons pour son aspect
puissamment polysémique. La forêt est hors
des limites du monde civilisé, il s'agit d'un
monde à l'intérieur et à l'extérieur du monde,
lieu du songe et de l'enfance, terre des arbres et
de l'obscurité primitive : en franchissant ses
limites on fait l'expérience de soi-même. La
forêt est un lieu asocial et sans règle, naturel et
sauvage. La forêt est ce lieu typique du conte
d'apprentissage qui, à la manière du
labyrinthe, révèle au héros sa propre identité.
Cette « immensité fermée » conduit l'homme à
franchir les limites de son destin.
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