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Accueil de « Un Tramway »

: Une interview de Tennessee Williams par lui-même

Question. - Mais vous devez quand même admettre qu'il y a eu une note troublante d'âpreté, et de froideur, et de violence, et de colère, dans vos oeuvres plus récentes ?
Réponse. - Je crois que sans l'avoir projeté, j'ai suivi la tension montante et la colère et la violence du monde et de l'époque où je vis, à travers ma propre tension toujours croissante en tant qu'écrivain et que personne.
Question. - Donc vous admettez que cette "tension montante", comme vous l'appelez, est le reflet d'un état en vous-même ?
Réponse. - Oui.
Question. - Un état morbide ?
Réponse. - Oui.
Question. - Peut-être à la limite de la psychose ?
Réponse. - Je suppose que mon oeuvre a toujours été une sorte de psychothérapie pour moi.
Question. - Mais comment pouvez-vous attendre des spectateurs qu'ils soient impressionnés par des pièces et d'autres écrits qui sont créés en vue de relâcher les tensions d'un individu qui est peut-être fou ou sur le point de l'être ?
Réponse. - Cela relâche les leurs.
Question. - Leur quoi ?
Réponse. - Leur tensions croissantes, à la limite de la psychose.
Question. - Vous croyez que le monde bascule dans la folie ?
Réponse. - Bascule ? Je dirais qu'il a quasiment basculé ! Comme le dit le Tzigane dans Camino Real, le monde est un drôle de journal lu à l'envers. Et dans ce sens-là, ce n'est pas si drôle.
Question. - Jusqu'où croyez-vous pouvoir aller avec une conception du monde aussi tourmentée ?
Réponse. - Aussi loin que le monde peut aller dans l'état tourmenté qui est le sien, peut-être aussi loin, mais pas plus.
Question. - Vous n'attendez pas des spectateurs et des critiques qu'ils vous suivent sur cette voie, n'est-ce pas ?
Réponse. - Non.
Question. - Mais alors, pourquoi les bousculez-vous pour les y entraîner ?
Réponse. - Je suis sur cette voie. Je n'entraîne personne avec moi.
Question. - Oui, mais vous espérez qu'il se trouvera des gens pour vous écouter, n'est-ce pas ?
Réponse. - Je l'espère, naturellement.
Question. - Même si la violence et l'horreur de vos oeuvres les repoussent ?
Réponse. - Vous n'avez pas remarqué que les gens tombent autour de vous, comme des mouches hors de saison, du fait de l'épidémie de violence et d'horreur dans le monde et l'époque où nous vivons ?
Question. - Mais vous êtes un amuseur, avec des prétentions artistiques, et les gens ne sont plus amusés par des chattes sur des toits brûlants, des baby dolls et des voyageurs à bord de tramways délirants !
Réponse. - Alors que les gens aillent voir des comédies musicales et des vaudevilles. Je ne vais pas changer ma façon de faire. C'est assez difficile pour moi d'écrire ce que je veux écrire sans avoir à essayer d'écrire ce qu'ils veulent selon vous que j'écrive et que je ne veux pas écrire.
Question. - A votre avis, est-ce que vous avez un message positif, quel qu'il soit ?
Réponse. - Mais oui, je crois que oui.


Extrait de "The World I Live In" ("Le Monde où je vis"),
London Observer, 7 avril 1957 (tr. D. Loayza)

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