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Surexpositions (Patrick Dewaere)

+ d'infos sur le texte de Marion Aubert
mise en scène Julien Rocha

: Note du metteur en scène

Par Julien Rocha

L’histoire est celle d’un acteur.


Pourquoi choisir de raconter l’histoire de cet acteur ? Pourquoi Dewaere ? Parce qu’il est complexe, parce que la galerie de personnages qu’il choisit d’interpréter (ou qu’il inspire à d’autres c’est selon) est une galerie rarement univoque : des loosers magnifiques, des pauvres types, des héros ratés, des hommes en creux mis en lumière. Comme lui je n’ai pas envie de faire l’apologie du héros. Je l’aime parce qu’il se dresse (parfois malgré lui) contre l’héritage figé du masculin. Je suis touché tout autant par l’histoire de Patrick Morin que par celle de son avatar public Patrick Dewaere. Sa vie est une tragédie banale passionnante à ausculter car elle se mêle à des fictions. Le tragique n’est pas tant mu par la fatalité (le suicide de Dewaere, son rapport à la drogue ou ses amours contrariées), que par sa quête du « vrai » dans son travail d’acteur. Elle est vaine. Il n’existe pas d’acteur idéal. Même entièrement investi dans son jeu, ses excès l’isolent petit à petit. Il devient un acteur indomptable, incontrôlable, craint. Il échappe. Et d’abord à lui-même. C’est beau et terrifiant. Et dans mon travail de direction d’acteur j’ai souvent été confronté à cette question qui me fascine et m’effraie : « jusqu’ou peut-on se donner à son art sans se brûler les ailes à la Patrick Dewaere ? »


Pour échapper aux faits, à la véracité


je souhaite un plateau qui travaille sur l’excès, l’épique monstre, la théâtralité. Et comme J. Genet a pu le faire en écrivant Les bonnes, nous ne travaillons pas sur un documentaire, un fait divers, nous ne sommes ni fidèles ni exhaustifs dans notre démarche, et nous tenterons d’échapper au « vrai » en provoquant en nous le monstre. Se dire soi avec la vie d’un autre. Et là se trouve sûrement notre irrévérence à la mémoire de Dewaere. Nous décollons du réel pour entrer dans les peaux de Dewaeres fictives (nourries de nos fictions). Nous allons faire éclater la surface de projection qu’est devenue l’acteur sous les regards de la presse, du métier, sous son propre regard et le nôtre. Nous ne travaillons pas sur la reconstitution d’une époque ni de scènes de sa filmographie, pas de citations, mais des « saluts » aux œuvres. Pas de copier/coller, nous proposerons d’emprunter les grandes lignes directrices de son parcours d’acteur ancré/en rupture dans/avec son époque. Nous suivrons le chemin d’un être en mouvement, en lutte, en recherche, en renoncement. Sommes-nous faits pour rester tranquilles ?


Hors champ.


Il y a Dewaere l’homme public et l’impudique. Un homme aux frontières croisées. C’est un terrain de jeu pour l’acteur, cette danse de « funambule » schizophrène. Il est question de romancer les limites qu’un homme donne à sa vie. Dire Dewaere et traverser ses autofictions, ses failles, c’est choisir de parler d’un jeu d’acteur particulier (névrosé, dangereux, d’un naturel jubilatoire et parfois d’un grotesque Grand-Guignol). Dire sa quête, son envie d’interpréter c’est chercher au plateau le chemin du «lâcher prise» de l’acteur. Que donne-t-on à dessein ? Que taisons-nous ? Avec le scénographe Clément Dubois et le créateur lumière, nous avons longuement réfléchi à l’espace à offrir aux comédien·ne·s : provoquer du hors-champ, du non visible et travailler à cette surface de projection qu’induit le « jeu Dewaere »


Du vivant / du visible.


J’imagine aussi un plateau très physique, très charnel. J’imagine un laboratoire de poésie, une fresque haletante, un dépotoir de sentiments, un plongeoir au-dessus d’une fête. Je sais que ça finira dans le sang avec un bon coup de carabine ! J’imagine que je ne trouverai pas ça grave, je serai prévenu dès le début. Et dès le début, j’ai eu envie de donner à l’équipe une matière dense (images théâtrales, corps invertis, références à la filmographie de Dewaere, une dramaturgie filée (qui tire à la fois des lignes biographiques et thématiques sociétales) pour faire du plateau le lieu de l’auscultation de l’humain, d’une autopsie de l’acteur et de soi.


  • Julien Rocha
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