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Regarde les fils de l'Ulster marchant vers la Somme

mise en scène Guy-Pierre Couleau

: Note d'intentions

Au début de la pièce, un homme sans âge, vieillard de l'humanité, monologue avec le ciel. Avec Dieu. Mais personne ne lui répond. Il convoque les morts à revenir sur la scène, raconter au présent cette histoire du passé. Une représentation de leur tragédie.


Regarde les fils de l'Ulster marchant vers la Somme pose la question du combat, et au-delà, celle de l'ennemi. Qui combat-on dans une guerre ? Et quel ennemi faut-il vaincre ? Peut-on se révéler à soi-même dans cet affrontement avec l'autre ? Et existe-t-il vraiment cet autre là, qu'on devine caché dans l'ombre, une arme à la main, prêt à nous prendre la vie? Peut-être faut-il en appelait à dieu ? Mais au spectacle de l'horreur, à la vue de la barbarie, comment ne pas croire que Dieu lui-même a abandonné l'homme ? Tous les hommes ?


Regarde les fils de l'Ulster marchant vers la Somme pose la question de la victoire et de la défaite. Qui est vainqueur dans une guerre? Avons-nous gagné quoi que ce soit puisque nous avons survécu ? Avons-nous au contraire tout perdu ? Celui qui est mort a-t-il pour autant gagné quelque chose ? Et cette défaite d'un camp n'est-elle pas la victoire de l'autre camp ? Où est la vérité d'une bataille, puisque l'on commémore aujourd'hui la mort comme la vie de millions d'entre nous ?


Frank Mc Guinness pose les questions essentielles. Meurt-on par désespoir ? Se sacrifie-t-on par idéal ? Peut-on donner sa vie pour sa patrie ? Que veut dire mourir loin de sa terre ? L'amour nous fait-il construire pour demain, ou bien est-ce lui qui nous pousse à la destruction ? La barbarie est-elle rituelle et inéluctable ? Peut-on vivre en paix avec soi-même et les autres quand on a vu l'horreur ?


Regarde les Fils de l'Ulster marchant vers la Somme dit l'universalité de la barbarie, et cela dépasse sans doute le cadre de la première guerre mondiale. Au long de ce siècle finissant, de combien de bombes avons-nous ensemencé la planète ? De combien de morts avons-nous irrigué les fleuves ? De combien de veuves avons-nous fait le malheur ? De combien d'enfants avons-nous construit la détresse ? De combien de larmes et de sang avons-nous abreuvé nos terres ? De combien de vies sacrifiées avons-nous entaché la mémoire du monde ?


Si ces fils de l'Ulster se battent contre les ennemis de leur peuple sur les bords de la Somme cette fois-ci, - tout comme ils l'avaient fait en Irlande, sur les bords de la Boyne, et contre d'autres irlandais autrefois -, au moins nous disent-ils qu'en chacun de nous existe celui qui mourra mais aussi celui qui se souvient. Et cette double appartenance et à l'éphémère de la vie, et à la mémoire de l'existence, fonde notre humanité, notre condition d'hommes. L'empreinte et le néant. L'oubli et le souvenir.

Guy Pierre Couleau

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