À travers ce spectacle, Thierry Collet croise récits de vie et tours de magie pour évoquer le monde intérieur du magicien. Il invite les spectateurs à une rencontre très personnelle, leur livrant sa passion pour la magie, exposant le parcours initiatique qui l’a amené à en faire son métier. Thierry revient sur les expériences fondatrices et les « grandes illusions» qui ont jalonné son parcours, l’obsession d’une pratique gestuelle et corporelle exigeante basée sur le défi, le désir de se confronter en permanence à l’impossible, le goût pour le secret et le mensonge, le besoin de fabriquer du mystère pour les autres afin de mieux s’en protéger soi- même. Être magicien, c’est un métier mais c’est avant tout un état, une perception particulière des choses, un intérêt pour les failles, les anomalies, un regard « de travers ».

Dans ses précédents spectacles, Thierry prenait une posture pédagogique volontaire et affirmée. La magie était alors au service d’une thématique, de son propos. Il amenait les spectateurs à s’interroger sur les manipulations à l’œuvre dans notre société et à activer leur esprit critique. Ce rendez-vous propose une autre démarche, plus sensible et intime : transmettre et partager ce regard si particulier que le magicien porte sur le monde, sur sa pratique et sur lui-même.

Le spectacle relate les années d’apprentissage, les années 1980/1990. Thierry raconte ses premiers congrès de magie, la découverte de ce milieu très masculin et machiste – les rares femmes présentes sont les partenaires qu’on coupe en morceaux – il évoque la transmission des secrets – qui se vendent ou qui se volent – et l’exigence de l’entrainement technique. Après plusieurs spectacles de mentalisme, Thierry aborde une magie centrée sur la dextérité, l’engagement du corps et du geste, voire la mise en danger du magicien.

Au cours du spectacle alternent des moments où la magie est montrée et d’autres où elle est racontée. Ce travail de récit, initié par Thierry et le metteur en scène Éric Didry dans un précédent spectacle, Qui-Vive, se poursuit ici avec un enjeu important : le magicien fonde sa pratique sur le mensonge et l’autorité, il avance toujours masqué et toute parole vraie risque d’affaiblir son pouvoir. L’intention du spectacle est de montrer que la sincérité et le dévoilement peuvent, sans dissiper le mystère de l’expérience magique, permettre d’évoquer avec la magie des questions profondes, intimes, sociales ou politiques. Un des enjeux d’écriture du spectacle est de parvenir à mêler les différents styles de langages – parole de consigne interactive d’un tour de magie et parole sensible du récit de vie. L’humour est une « couleur » importante dans le rapport au public.

Thierry, qui rêvait de devenir « Dark Vador » plutôt que « Ma sorcière bien aimée » propose sur scène une rencontre singulière entre son histoire intime et son parcours artistique. Ce cheminement professionnel étant également lié à une construction personnelle, il partage avec le public la part de secret qui le constitue en tant qu’artiste magicien et en tant qu’homme.

Le parcours d’un magicien est aussi un cheminement symbolique et initiatique. Le spectacle raconte également la métamorphose du Bateleur, le magicien que représente la première carte du tarot divinatoire, qui évolue et devient Le Fou, dernière carte du jeu. Le Bateleur est le jeune magicien avec tous ses objets préparés, ses boîtes à doubles-fonds. Au terme de son parcours, il s’est dépouillé de tous ses artifices, il n’a plus besoin de table, d’accessoires truqués, de costume spécial, pour que sa magie existe. De la même façon, Thierry se dévoile progressivement au cours du spectacle – au propre comme au figuré – la magie comme clé de voûte de cette construction identitaire.