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Mon absente

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mise en scène Pascal Rambert

: Entretien avec Pascal Rambert

Propos recueillis par François Rodinson en mars 2022

Pascal Rambert, qu’est-ce qui vous pousse à écrire ? Qu’est-ce qui est moteur ? Comment ça a commencé ? Pourquoi ça continue ?


Pascal Rambert — Oui… Je peux répondre… (rire) Avant, j’étais incapable d’avoir une idée, de théoriser sur ce genre de choses… Je suis un idiot… Maintenant je crois que je peux répondre. C’est simple, je me suis rendu compte que j’aime les gens. La semaine dernière, j’étais à Timisoara pour un projet en 2023. Il y a deux semaines, j’étais au Caire pour un autre projet. Et encore avant, j’étais à Milan car je suis artiste associé au Piccolo Teatro… Et partout, dans ces occasions, je vois les gens, je parle aux gens. Et j’adore ça. On ne peut pas faire ça si on n’aime pas les gens. Il y a un rapport de curiosité je crois. En septembre j’étais à Tokyo. Ensuite, je travaillerai à une version de Sœurs à Lima, au Pérou. Tous ces voyages… Je ne dis pas ça pour me mettre en avant. Pas du tout. Mais franchement, si on n’aime pas les gens, on fait autre chose. Depuis vingt ans je travaille régulièrement en Asie. Là-bas, le rapport au corps, à la pensée, au théâtre, à la représentation, tout est différent… Ça aussi, ça m’intéresse, ça m’anime. J’ai commencé à 13-14 ans à écrire de la poésie. Après, ça a été tout un concours de choses… En ce moment j’écris une nouvelle pièce pour Jacques Weber. Je n’ai pas encore le titre. Je lui ai dit : « J’écris pour ta masse physique, ta voix… » En même temps, il y a une vraie puissance, une fêlure, une fragilité… Avec Clôture de l’amour on a fait une tournée au Mexique. Au retour, dans l’avion, Stanislas Nordey me dit : « J’aimerais en faire un autre. » Douze heures plus tard je lui proposais Deux amis… Charles Berling, je l’ai vu jouer depuis trente ans. L’énergie d’une personne m’inspire. J’écris pour un corps, un âge, une tessiture… Je me connecte à l’énergie supposée, avec ce que je perçois, ce que j’imagine de cette énergie de Charles. Quand j’ai présenté pour la première fois Clôture de l’amour à Avignon, on m’a dit que j’étais quelqu’un qui cousait des mots sur la peau des autres… En plus Charles a un débit singulier, il parvient à réinventer de l’originalité. Il réinvente ce qu’il dit, c’est une fluidité qui ne ressemble pas à une langue écrite, il donne vie à cette langue que j’écris qui est tournée et retournée à l’intérieur du cerveau. J’écris très très vite. J’y pense deux ans avant mais ensuite en quinze jours ça s’écrit. J’écris surtout le matin. C’est un flux, c’est l’expression d’un flux mental. Le corps des acteurs, la puissance de ces corps, ça a toujours été ça l’important. C’était déjà le cas dans Les Parisiens avec Jean-Paul Roussillon, Claire Nebout, Dominique Frot, Miloud Khétib et les autres, à Avignon, en 1989… Je me souviens de cette énergie incroyable… Je passe mon temps à me vider… Je ne prends pas de notes… Mon travail consiste à me lever tôt. Puis yoga. Puis écriture. Je me branche sur l’énergie. Je pars avec ça… J’aurais pu continuer mes études de philo. Mais ce n’est pas l’endroit du poème. J’ai préféré être dans l’écoute. Un plaisir hédoniste avec les gens que j’aime…


Une des singularités de votre écriture, c’est le fait que les rôles, les personnages, portent les prénoms des acteurs qui les interprètent, c’est un peu votre marque. C’est un signe de l’intime et pourtant, dans vos mises en scènes, vous affirmez une vraie théâtralité. Pourquoi ce choix des prénoms ?


P. R. — Oui… Le fait d’avoir toujours mis les prénoms… Ça n’a rien à voir avec la vie privée. Je ne travaille pas avec la vie privée. Dans les années 80, on arrivait, on inventait, il y avait des choses très travaillées mais on pouvait improviser. C’était très art contemporain. Et en même temps, c’était un code intime, on brouillait la notion de personnage, c’était plus de la performance, on s’adressait entre nous, on pouvait s’adresser au public, on s’appelait naturellement par nos prénoms. J’ai grandi ça. Dans l’adresse et dans l’écart. Le fait d’être appelé par son prénom crée un appel différent. Quand on nous appelle par notre prénom, quelque chose de notre soi, profondément, est touché. Les prénoms ont une vraie fonction de tension. Le prénom, c’est la vie. Le prénom, c’est le rapport. Je connais Pascal Rambert. Mais si on m’appelle Rambert Pascal, je ne me reconnais plus vraiment. Il y a plein de milieux où l’on met le nom avant. Dans la vie administrative… Les impôts, par exemple… Le nom avant le prénom c’est souvent quand on apporte des mauvaises nouvelles. L’adresse avec le prénom amène directement dans le cœur.


  • Propos recueillis par François Rodinson en mars 2022
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