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Miss Knife et ses sœurs

Olivier Py ( Conception ) , Vladislav Troitskyi ( Mise en scène ) , Dakh Daughters ( Musique ) , Stéphane Leach ( Musique ) , Jean-Yves Rivaud ( Musique ) , Debora Waldman ( Direction musicale ) , Samuel Jean ( Direction musicale )


: Entretien

Propos recueillis par Michel Flandrin

Peut-on dire que Miss Knife a vu le jour au Festival d’Avignon ?


Olivier Py : Absolument, Miss Knife émergea en 1995 des entrailles de La Servante. Dans le sous-sol du gymnase Aubanel, aux entractes entre les pièces, avec l'équipe de la tétralogie, nous animions un lieu pour le public, façon cabaret. Un soir, Bernard Faivre d’Arcier, alors directeur du Festival, est passé. Il ne m’a même pas reconnu sous le strass, les perruques et le rimmel. L’année suivante, il nous confi a un autre gymnase, cette fois au lycée Saint-Joseph. Nous y avons installé Miss Knife et sa baraque chantante. En fait, Miss Knife a lancé le Bar du Festival qui est toujours en activité.


Stéphane Leach, vous qui êtes le compositeur-arrangeur de Miss Knife, est-ce qu’il existe un répertoire de Miss Knife ?


Stéphane Leach : Oui, mais rien n’est figé avec Miss Knife. Elle accueille, comme elle s’invite aussi dans d’autres pièces. J’ai écrit les musiques de scène de certains des spectacles d’Olivier Py, dont L’Apocalypse joyeuse, Les Contes de Grimm ou Les Vainqueurs. Certaines chansons de Miss Knife ont été incluses dans ces pièces de théâtre, d’autres interprétées avec un quartet jazz. Ce sont des pièces qui relèvent plus du cabaret lyrique que de la chansonnette. En 2021, j’ai élaboré une version pour orchestre symphonique plus étoffée. Au niveau des timbres, des contre-chants, les couleurs sont plus raffinées. Pour le répertoire du 26 juillet, j’ai écrit les musiques sauf Le Tango du suicide, composée par Jean-Yves Rivaud.


En près de 30 ans, comment Miss Knife a-t-elle évolué ?


Olivier Py : Je dirais qu’elle a progressé. Elle s’est frottée à d’autres répertoires, elle a côtoyé de nouveaux musiciens. Elle a beaucoup tourné en France et à l’étranger, dans des endroits souvent autres que les théâtres. Lorsque, trop occupé, je l’ai délaissée, Julien Jolly qui, avec Antoni Sykopoulos, assure les compositions musicales de Ma Jeunesse exaltée, m’a persuadé de reprendre le personnage. En fi n de compte Miss Knife est un double ou un masque qui me colle au visage.


Quels sont les critères pour entrer en sororité avec Miss Knife ?


Olivier Py : Il faut aimer la musique, les extravagances et partager la scène, ce qui est le principe cardinal du cabaret. L’amitié est également décisive. Outre sa voix et son talent, Angélique Kidjo possède une force vitale qui m’emporte à chaque fois. Suite à l’agression de la Russie, nous voulions inviter des artistes ukrainiens. Le cabaret des Dakh Daughters relevait de l’évidence. En 2021, Miss Knife s’est produite avec l’Orchestre philharmonique de Radio France, mais sans public. Grâce à l’Orchestre national Avignon-Provence, le concert du 26 juillet est à son tour symphonique. Dans le répertoire de Miss Knife, j’ai choisi les chansons les plus appréciées. Un best of en quelque sorte.


Les Dakh Daughters, pouvons-nous dire que Miss Knife vous invite complètement et vous laisse carte blanche en compagnie de l’Orchestre Avignon-Provence ?


Dakh Daughters : Oui, nous avons la liberté d’exprimer entièrement notre personnalité. L’idée du maquillage appartient à Vlad Troïtskyi, metteur en scène et directeur artistique du Dakh Théâtre. Chacune y a glissé sa personnalité. Nos visages sont blancs, libres de tout cliché. Et pour le 26 juillet, nous continuons la collaboration avec l’Orchestre national Avignon-Provence amorcée en janvier dernier. C’est Pierre Thilloy qui a choisi et réorchestré les morceaux qui l’inspiraient. Nous l’avons suivi avec confi ance. Depuis, comme vous le savez, la situation de l’Ukraine s’est détériorée. Nous sommes au Festival parce que nous sommes des artistes. Notre spectacle est un hymne à nos défenseurs et au peuple ukrainien, qui résistent courageusement contre le mal. Il est capital pour nous de ressentir le soutien et la solidarité avec l’Ukraine. Aux fronts de guerre il faut opposer le front de l’art. Le peuple ukrainien est victime de l’agression russe, mais en même temps il est héros de la résistance. Parce que les esclaves ne peuvent pas vaincre les gens libres.


Samuel Jean : Il est important pour des musiciens classiques de se confronter à d’autres cultures musicales. Le talent des Dakh Daughters nous emmène vers un univers de cabaret poétique, grinçant, parfois violent. Sur scène elles jouent leurs chansons, enrobées dans les couleurs orchestrales composées par Pierre Thilloy. Nous avions déjà collaboré sur un projet autour de la musique indienne. Il est très à l’aise dans les mariages d’inspirations. Mon rôle de chef consiste à rester au plus près. Les Dakh Daughters jouent leurs morceaux, il ne s’agit pas de les déborder, ni d’être à côté, mais de rester ensemble. Il revient à l’orchestre de s’adapter pour préserver leur liberté. Au-delà des sonorités, une formation symphonique apporte une masse humaine, un plus spectaculaire, peu négligeable en termes d’image. Les chansons des Dakh Daughters reposent souvent sur des montées chromatiques. Ça grandit, ça grandit, accompagnées par plus de 40 musiciens elles atteignent une tout autre dimension.


Angélique Kidjo, la notion de liberté et d’ouverture doit vous parler particulièrement ?


Angélique Kidjo : Oui, et Olivier Py et Miss Knife l’incarnent complètement. Il y a quelques années, nous avons partagé un déjeuner en vue du concert avec Manu Dibango, programmé en 2017 dans la Cour d’honneur du Palais des papes. Nous nous sommes extrêmement amusés. Je suis devenue fan de sa fantaisie et son intelligence. Pour moi le machisme se nourrit d’une exagération de la masculinité or, à travers Miss Knife, Olivier proclame une envie d’être. Il établit une sororité avec la féminité et le féminisme.


Comment définiriez-vous la voix de Miss Knife ?


A. K. : Elle a une voix de cabaret, qui peut chanter bien des choses avec une capacité d’écoute et de partage, indispensable dans ce type d’exercice. Ensemble nous interprétons Hallelujah, immortalisée par Leonard Cohen. Je n’avais pas envie d’y toucher mais, lors d’un concert à New York, Olivier m’a dit : « On y va ». La chanson dialogue avec l’humain et le ciel. Dans Hallelujah, chacun et chacune chante son dieu, à l’écart de toute religion. Malaïka est un chant d’amour qui m’accompagne depuis l’âge de 9 ans. C’est une référence à ma mère, décédée l’an dernier. Depuis j’y célèbre la richesse de sa personne, entre la douleur et la joie.


Et ouvrir la scène et la partager avec les Dakh Daughters et l’Orchestre national Avignon-Provence ?


A. K. : Les Dakh Daughters incarnent la preuve que l’on peut continuer à vivre pendant un conflit, qu’il existe une autre alternative aux seules représentations guerrières. Avec l’Orchestre, nous poserons les jalons du concert prévu la saison prochaine. J’apprécie le travail en amont qui permet d’aller plus vite et plus fort. Avec une formation symphonique, la voix devient un instrument qui se fond à l’intérieur des pupitres. Là encore il y a écoute et partage.


Le concert est programmé lors de la toute dernière journée d’Olivier Py à la tête du Festival d’Avignon, est-ce une manière de partir sur une pirouette ?


Olivier Py : C’est avant tout une manière souriante et joyeuse de dire au revoir à Avignon et au public.


  • Propos recueillis par Michel Flandrin
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