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Illusions perdues

+ d'infos sur l'adaptation de Pauline Bayle ,
mise en scène Pauline Bayle

: Entretien avec Pauline Bayle

proposé dans le dossier d'accompagnement du Théâtre de la Bastille

Quel chemin vous a mené de Homère à Balzac, et pourquoi tout particulièrement cet auteur?


C'est le Balzac des Illusions perdues qui s'est imposé. Connu pour la précision, la qualité et la longueur de ses descriptions dans les autres romans, dans cette œuvre charnière, il s'attache à restituer les aspérités de l'âme humaine et développe ses dialogues en intégrant cette langue orale si essentielle à mon travail et qui se prête si merveilleusement à l'adaptation théâtrale.
Le lien avec l’œuvre d'Homère, c'est la folle tentative réussie de narrer l'épopée de l'existence. Chacune de nos vies n'a d'autres choix que de partir de ses aspirations et de les confronter au monde. Et de cette confrontation découle de nombreux rebondissements, quelque chose de puissant qui met en marche le monde et les hommes. Dans Illusions perdues, l'ambition est le moteur de l'action. Ce qui pousse à affronter la réalité, à vouloir conquérir l'univers, c'est l’appétit et la soif insatiable d'amour, de gloire et d'argent. Une redoutable initiation, une folle vanité et une puissante énergie traversent ce roman.


Comment allez-vous choisir vos acteurs, distribuer les rôles, restituer cet univers où chacun a quelque chose à cacher, où le mal et le bien se cachent dans un même personnage?


Je vais très certainement partir d'improvisations avec mon groupe de comédiens, et ensuite répartir les rôles en fonction de ce qui sera le plus évident pour chacun. Mais comme je les connais bien maintenant, je vais peut-être oser débuter par une première distribution des rôles.
La plupart des personnages du roman sont complexes, voire ambigus. Cet aspect de leur personnalité se dévoile dans les innombrables dialogues extrêmement denses en termes d'idées. L'acteur n'aura pas à jouer l’ambiguïté ou d'autres traits de son caractère, car les différents aspects de la personnalité des personnages se dévoilent dansles situations mêmes qu'ils rencontrent.


Monologues, tirades, apartés, dialogues fulgurants... L'omniprésence de l'écriture théâtrale dans Illusions perdues est-elle un atout ou un handicap pour aborder le passage à la scène?


Balzac a pensé son texte de manière orale. C'est une vraie langue, donc c'est un plus. C'est une chose qu'on ne retrouve pas chez Flaubert par exemple. Les dialogues de Madame Bovary sont tellement travaillés, écrits, qu'il est difficile de croire qu'ils ont pu être dits. Chez Flaubert, l'auteur est embusqué derrière chaque mot supposé prononcé par les protagonistes. Chez Balzac, les dialogues semblent émaner des personnages eux-mêmes, comme s'ils avaient pu s'exprimer de manière autonome. Les dialogues des Illusions perdues me galvanisent, me font réagir physiquement, car cette œuvre est un feu d'artifice d'idées et de vie. Cette force, trouvant sa résonance en moi, me confirme qu'il faut porter ce roman à la scène.


Quel(s) moyen(s) scénique(s) allez-vous utiliser pour faire tomber les masques et révéler au grand jour la part souterraine de «l'inhumaine comédie» ?


Balzac a pressenti et mis en évidence les caractéristiques de notre modernité. Ce que Georg Lukács nommera plus tard, en analysant l’œuvre de Balzac, «la capitalisation de l'esprit», c'est à dire comment les rapports humains fonctionnent et sont dictés par l'argent.


Dans Illusions perdues, Balzac décrit une humanité gouvernée par la société capitaliste où tout tourne autour de l'argent. Seuls le Cénacle ou Coralie aiment et donnent gratuitement.
Ce roman donne à voir l'essor du capitalisme industriel. C'est le cœur de l’œuvre. La Révolution a fait exploser les cadres. Chacun essaie de se frayer son chemin, en fonction de nouveaux besoins. L'argent dicte la conduite. C'est un univers de parvenus. Et puis si Napoléon a pu devenir Napoléon pourquoi pas tout le monde?


Autrui devient un moyen pour réussir, à l'opposé de l'impératif moral de Kant, et on envoie balader la morale. Iln'y a donc pas que les démons qui sont des démons mais tout le monde se retrouve à être démon à un moment ou à un autre, en fonction des circonstances, et celles-ci excusent tout! Les personnages sont prêts à tout, avec une pression du résultat. En résumé: «pas vu pas pris», «la fin justifie les moyens»... Tout cela constitue la noirceur et le côté démoniaque de La Comédie Humaine et en fait une œuvre passionnante.

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