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Le Faiseur de théâtre

+ d'infos sur le texte de Thomas Bernhard traduit par Edith Darnaud
mise en scène Christophe Perton

: Note de mise en scène

par Chrsitophe Perton

« Quoi, ici ?»

La création du Faiseur de théâtre s’inscrit dans la poursuite du travail que j’ai menéaux côtés de Dominique Valadié en mettant en scène Au But de Thomas Bernhard en 2017. J’envisageais initialement de les présenter sous la forme d’un diptyque tant les deux textes communiquaient par la mécanique musicale et dramaturgique de Bernhard.
Le premier s’envisageant comme le pendant féminin du second, centré sur la misogynie masculine et l’excès drolatique reflétant malicieusement Bernhard lui-même.


On retrouve donc dans le  « Faiseur  » un sublime déséquilibre avec la logorrhée en forme de vitupération du héros, le faiseur de théâtre Bruscon, que le destin a conduit à Utzbach, minuscule village imaginaire aux fins fonds du bout du monde, où la troupe familiale doit représenter sa comédie : « La roue de l’Histoire ». Ce matin-là, Bruscon entre donc une nouvelle fois sur scène et à peine y a-t-il posé le pied que son sort semble scellé. Comme souvent chez Bernhard, ses premiers mots, « Quoi, ici ? », résonnent comme une exergue cinglante pour s’achever, après un flot verbal délirant, sur une prémonition finale : « comme si je l’avais deviné » signant, au propre comme au figuré, la fin du faiseur de théâtre. Tout le jour, Bruscon demeure dans ce lieu improbable pour préparer et assurer coûte que coûte la représentation. Tout le jour défilent devant lui d’un côté ses hôtes : un hôtelier chargé de l’animation du lieu et sa fille borgne, de l’autre la famille de Bruscon en troupe brinquebalante, contrainte et forcée. Et Bernhard là encore manie magistralement la graduation des personnages malicieux, taiseux, voire complètement muets, faisant ainsi vivre l’art du langage de la sensation qui passe par l’écoute et le silence complices.


L’hôtelier étrange et interlope, est sommé par l’artiste Bruscon de résoudre le problème crucial de faire éteindre la lumière de service pour obtenir le noir absolu sans lequel la comédie serait ruinée. L’enjeu démesuré, engage l’accord des pompiers bénévoles et devient rapidement un motif obsessionnel et délirant.
Ferruccio, le fils de Bruscon, plus doué pour le bricolage que pour l’art dramatique, doit monter les lumières, les rideaux et aménager la salle, avant que son père au sommet de son exigence ne lui impose une répétition aussi magistrale qu’inutile, tout comme à sa fille Sarah. Et les moqueries et malices de cette dernière conjuguées aux maladresses du fils plein de bonne volonté, ont de quoi rincer l’intransigeance artistique du père. La famille aussi épuisée qu’obéissante suit bon an mal an le chemin de croix théâtral imposé par ce père aveuglé qui ne voit rien d’autre que  « comédie » dans la toux insistante de sa femme affaiblie. Alors la quête impossible de cet art parfait prend, entre les accidents et les chutes, des accents comiques irrésistibles.Je n’ai pas souhaité enfermer la représentation dans le décor pittoresque d’une salle des fêtes de l’arrière campagne autrichienne, entre porcherie, cochons, et public xénophobe.
J’ai préféré laisser à la puissance du verbe de Bernhard l’art de faire exister ce hors champs décrit si savoureusement par Bruscon, sans qu’il soit nécessaire de donner les accents d’une couleur locale à l’espace qui fassent à tout prix  « image  ».


L’univers visuel du Déjazet m’a semblé si prégnant que j’ai plutôt souhaité prolonger l’espace de la salle au plateau pour créer un effet de miroir et mettre en abîme le lieu de la représentation. Cette collision devrait créer une sensation mouvante, la frontière entre le plateau et la salle pouvant s’inverser à volonté au point de faire en sorte que le public se retrouve dans la coulisse de Bruscon.

Dans ce vieux théâtre poussiéreux aussi rouge que désuet, la scène, les cintres, les coulisses, deviennent la menace d’un effondrement qui guette. C’est ici que j’ai la joie de faire entrer et retrouver sur scène des acteurs que j’aime, au premier rang desquels André Marcon qui m’avait si magnifiquement accompagné sur un très beau Claudel. Avec lui, avec eux, partager l’amour et la haine de Thomas Bernhard pour le théâtre est une perspective merveilleuse avec des accents de vérité qui résonnent fortement avec mon propre parcours.


Christophe Perton

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