: Présentation
Selon Jean-François Sivadier, plus Galilée parle de la science, plus Brecht parle du théâtre. Oeuvre centrale, testamentaire, La Vie de Galilée présente un intérêt philosophique, littéraire, scientifique et historique de premier ordre. Brecht nous y livre le combat épique entre le progrès et le conservatisme et sa lutte sans répit contre le fanatisme et l’obscurantisme.
Brecht fait dire à Galilée : Aujourd’hui, 10 janvier 1610, l’humanité inscrit dans son journal : ciel aboli. Le système de représentation
du monde vole en éclat. Ce cataclysme inaugure
des temps nouveaux et ébranle les tranquilles
certitudes en instaurant le doute. Mais si l’homme
ne se trouve plus au centre de l’univers, il
recouvre l’usage de la raison et de l’imagination.
Les conséquences de ce formidable vacillement
de la pensée sont au coeur de La Vie de Galilée.
On y parle de la destruction d’un certain ordre du
monde et de l’édification d’un autre. En Italie, au
début du 17 e siècle, Galilée braque un télescope
vers les astres, déplace la terre, abolit le ciel,
cherche et trouve des preuves, fait voler en éclats
les sphères de cristal où Ptolémée avait enfermé
le monde, éteint la raison et l’imagination
des hommes. Il fait vaciller le théâtre de l’Église
et donne le vertige à ses acteurs. L’Inquisition
lui fera baisser les bras, abjurer ses théories sans
pouvoir l’empêcher de travailler secrètement
à la signature de son oeuvre, ses Discorsi.
Brecht, dans une langue limpide, livre ici
un immense poème construit comme une suite
de variations et met en scène un choeur
de femmes et d’hommes séduits et terrifiés
par l’irrésistible visage de la raison : la Terre
n’est pas le centre de l’univers, il n’y a pas de
centre, il n’y a pas de sens. Et Galilée, jouisseur
de la pensée, à la fois Faust et Falstaff, penseur
par tous les sens, offre au peuple, avec l’art
du doute, la liberté de regarder autrement
la puissance de l’Église et les mouvements
de l’univers.
La Vie de Galilée est une fable sur le jeu
de la raison et de l’imagination et sur le vertige
qui en résulte. Nous avons essayé de traduire
ce vertige et le trouble de cet autoportrait
de l’auteur, qui se taille dans Galilée un costume
sur mesure. Nous lisons dans le regard obstiné
de Galilée vers le ciel, celui de Brecht scrutant
les régions inexplorées du théâtre qu’il lui reste
à inventer.
Jean-François Sivadier
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