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La Nuit des taupes

Philippe Quesne ( Conception )


: Entretien avec Philippe Quesne

Propos recueillis par Marion Siéfert

Marion Siéfert : Très souvent, aux prémisses de tes projets, il y a un mythe ou une parabole, qui joue un rôle important dans le processus de création. Qu’est-ce qui t’inspire dans le mythe de la caverne de Platon ?


Philippe Quesne : Je pars moins d’un mythe que de certaines intuitions, liées à un lieu. Dans La Mélancolie des Dragons, la neige me permettait de parler du merveilleux ; le marécage de Swamp Club était une belle métaphore d’un lieu en danger, entre deux eaux. La caverne est un lieu de rêverie ouvert au fantastique mais aussi propice à une réflexion sur une part sombre et mystérieuse de l’humain, avec toutes les ambiguïtés que comporte le fait de se réfugier dans un trou. Mais pour revenir à Platon, je crois que ce qui m’intéresse dans le mythe de la caverne, c’est de pouvoir questionner la place de l’artiste : qu’est-ce que le savoir ? Peut-on faire confiance aux humains et à leur capacité de voir le monde par eux- mêmes ? Sont-ils manipulés ? Et quelle est la visée de cette manipulation ? Une domination ou un éveil de la conscience ? La question de la scénographie dans le mythe de la caverne est passionnante. On pourrait facilement imaginer un dispositif théâtral en coupe, comme une taupinière, et reconstituer la situation de la caverne, avec le feu, les ombres et la position des prisonniers.


La grotte évoque un univers en-deçà : on revient aux origines, mais pour anticiper quelque chose et évoquer la fin du monde.


C’est vrai. Très souvent dans la littérature et les films de science-fiction, la partie la plus futuriste des inventions est cachée sous terre. D’ailleurs, quand on creuse, on découvre des grottes, des vestiges du passé. Le passé préhistorique cohabite avec des déchets nucléaires. Il y a quelque chose de fascinant et de terrible dans cette boucle humaine. J’aime bien imaginer que les grottes de Lascaux ont été peut-être peintes après une grosse fête. Ce n’est pas forcément le travail d’un peintre paisible. Il y avait peut-être déjà la conscience de la catastrophe et la volonté de laisser trace d’une humanité pour les suivants, de passer le relais à d’autres, avec la conscience que l’on est là de manière temporaire. C’est ce point de départ-là que j’aimerais partager avec le public. Mais il y a ce désir de figurer, plus concrètement que d’habitude, une sorte de parc d’attraction spectaculaire où on recevrait les spectateurs dans la convivialité et une forme d’utopie, en suivant la vie d’une petite communauté de taupes géantes...


Ce projet sera-t-il construit autour d’une fable ?


Avec Swamp Club, on avait posé les bases d’une sorte de méthodologie, celle de l’artiste- résistant, en essayant de comprendre les liens entre refuge, résidence et résistance. Avec Welcome to Caveland !, je veux explorer une imagerie beaucoup plus fantastique et animale. J’ai donc eu l’idée de suivre la taupe, cette bête qui était une sorte de guide dans Swamp Club. Comme dans mes autres spectacles, je veux immerger les spectateurs dans la fiction, tout en leur montrant que l’on n’est pas dupe de la façon dont les choses se fabriquent et s’inventent. Je rêve d’une partie qui soit une sorte de fable avec toute une colonie de taupes, un bestiaire merveilleux où les personnages masqués côtoieraient des marionnettes et des objets animés, dans un décor de grotte artificiel.


La taupe est un animal considéré comme un nuisible. Elle creuse des galeries qui minent le sol...


Le mot nuisible est très intéressant. Pour exister, cet animal a besoin de s’annexer des territoires, de s’inventer des mondes. C’est un animal artiste la taupe et fragile. Tout ce qu’elle a besoin d’éjecter de sous la terre devient des petits monuments. Dans mes précédents spectacles, j’ai mis en scène des êtres qui étaient conscients de ce qui ne tournait pas rond sur cette planête. En même temps, comme il faut bien trouver sa place, ils essayaient, avec optimisme, de s’emparer d’utopies artistiques en s’inventant des échosystèmes sur les plateaux de théâtre.


Extrait du dossier de presse du Théâtre Vidy

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