Choisir de faire une mise en scène pour moi est, en premier lieu, une démarche d’acteur.

Tout part du jeu. Je recherche l’endroit du jeu réel et franc, celui qui parle au joueur et à la personne qui regarde le jeu. Il y a, dans les formes de jeux, toujours un témoignage de ce que nous avons été en tant qu’enfants – la période où jouer était notre métier.

Je recherche sur le plateau cet endroit d’aveu que nous avions lorsque nous ne maîtrisions pas encore les mots. Tout acteur et spectateur est empreint de ce souvenir d’enfance. Nous devions construire des histoires, devenir un héros qui sauve une princesse, jouer avec une ficelle pour faire comprendre à sa mère l’attachement que l’on avait pour elle, jouer avec ses peurs, cache‐cache pour disparaître, le loup nous mange… Je suis persuadé qu’en surfant sur ces souvenirs communs au public, aux acteurs ainsi qu’aux metteurs en scène, nous pouvons établir un univers dépassant les générations. Toucher tout le monde tout en donnant la possibilité de parler des choses les plus extrêmes.

Je ne veux pas un théâtre d’élite. Je souhaite un théâtre qui se demande comment parler réellement à tout le monde sans simplicité, avec ludisme et complexité, violence et amour, calme et frayeur… je suis persuadé qu’en fréquentant le monde de l’enfance sans perversité nous pouvons comprendre que nous avons la clef des jeux de tous les sentiments.

Je souhaite un théâtre « interro‐narratif ». Une histoire qui nous conduit, que l’on peut suivre. Des acteurs conscients de leur condition d’acteur, qui ne font pas semblant d’être autre chose. De l’ironie sur toutes choses, de la complexité à élucider. Des images belles et fortes parlant d’elles‐mêmes. De la nouvelle forme qui n’oublie aucun passé. Etablir un réel dialogue avec ceux qui sont là.

Ecrire du nouveau sur tout. Il est essentiel d’être dans l’instant, de savoir ce dont on parle. Utiliser chacun dans son histoire passée et future, ce qui nous oblige à ne rien créer de définitif, car chaque instant bouge. Construire un plateau où les images se cherchent et trouvent les mots. Les mots prennent la force des images. Les corps sont des images. Les histoires des dessins. Les acteurs des vérités.

Ludovic Chazaud