: Enquête documentaire sur la langue de la colonisation
En juillet 2018, j’étais à Alger pour la première
fois. Mes origines algériennes m’avaient déjà
rendu curieux de la colonisation de l’Algérie et
particulièrement de la période qui a précédé
son indépendance. J’avais cependant une
connaissance assez superficielle et succincte
du sujet, provenant principalement
d’historiens français, de bribes de récits
familiaux et de manuels scolaires presque
muets. Je décidais de profiter de ma présence
sur la terre où cette histoire s’est déroulée
pour acquérir des livres écrits par des
Algériens et ainsi commencer à resituer mes
connaissances. Je me suis rendu dans une
librairie du centre et j’y ai cherché le rayon «
Guerre d’Algérie », un certain temps, sans
succès. Sur le point d’abandonner, mais ne
pouvant imaginer qu’aucun rayon ne soit
consacré au sujet, je fis part de mon
étonnement à la libraire, qui me dit,
littéralement :« Tous les ouvrages sur la
Guerre d’Algérie se trouvent au rayon
Révolution.
Évidemment, oui : c’était une Révolution. Je
ne l’avais seulement jamais nommée ainsi, et
par conséquent jamais réellement pensée
ainsi.
Je me suis tout de suite demandé d’où venait
une telle différence : Qui m’avait appris à dire
« guerre » et qui leur avait appris à dire «
révolution » ? Les deux mots recouvraient-ils
les mêmes faits historiques d’un côté et de
l’autre de la Méditerranée ? Et quel serait le
mot juste, à supposer qu’il existe ? Cette
découverte a révélé mon ignorance.
Ignorance non pas de l’histoire – je connaissais
les dates, les enjeux et les principaux acteurs –
mais ignorance de la sémantique et de
l’idéologie qu’elle véhicule.
Je n’ai pas acheté de livre ce jour-là. Cette
anecdote à un été un déclencheur et un
révélateur.
La partie émergée d’un iceberg que j’ai
percuté, et dont l’existence sous-marine est
immense.
Je note depuis consciencieusement tous les
mots qui composent cet iceberg, et la manière
dont je le percute. Ils sont nombreux. Il y a des
rencontres spontanées ou arrangées, et des
aventures comme celle de la librairie.
Koulounisation se nourrit des histoires des autres, et des mots qu’ils emploient pour raconter ces histoires.
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