theatre-contemporain.net artcena.fr

Don Juan Addiction / Elle(s)

+ d'infos sur le texte de Sylvie Landuyt
mise en scène Sylvie Landuyt

: Entretien avec Sylvie Landuyt

Entre écriture personnelle et versions précédentes du mythe, pourquoi monter ce projet aujourd’hui ?


Don Juan répond sans doute à une obsession de ma part. Faire un montage de texte me permet de mieux comprendre d’où l’on vient. Quel a été le parcours du mythe, quelle en a été la fonction, qu’est-ce qu’il dévoile de la situation politique de chaque époque ? Ma cible sera la femme. Quelle est sa place dans la société au fil des siècles ? Cela a-t-il évolué aujourd’hui ? Reste-t-il des résonnances ? J’avais besoin de cette traversée pour mieux comprendre ce noeud qui me « chipote » et que je n’arrive pas à dénouer, ces moments de rage face à certaines situations vécues par les femmes.


Pourquoi utiliser Don Juan pour parler de la femme ?


Il s’agit bien de pouvoir et de domination chez Don Juan. Et celle-ci est principalement masculine. La femme est victime de cette séduction. D’où cela vient-il ? N’y a-t-il vraiment que cela ?
Georges Sand fera dire à un de ses personnages féminins tout aussi séducteurs : « Faites-vous victimes, faites-vous esclaves, faites-vous femmes ! » Ces mots sont dits avec beaucoup d’ironie. Et je crois, oui, qu’une autre vision de la femme est possible et que la traversée du mythe de Don Juan peut nous la faire découvrir.


Le rapport au corps est une dimension essentielle à ce projet. Que provoque Don Juan que les mots deviennent superflus ?


Les mots peuvent n’être rien à côté d’une odeur, d’un regard, d’une sensation. Il y a des instants qui ne peuvent être traduits en mots. La sensation vécue semblait nous libérer. Mieux vaut alors se taire et apprécier l’instant. Etre donjuanesque serait pour moi cette capacité à vivre des moments intenses, être capable d’entendre le corps nous parler… Et puis les mots c’est du temps, de la réflexion, moi je préfère être dans le présent, la sensation. Mon corps me parait plus intelligent que la pensée consciente.


Pourtant tu écris… Après Lou, Quand j’aurai était grand, Femmes de réconfort, La Sirène du Canal (texte bilingue français-néerlandais),... Don Juan Addiction / Elle(s) est loin d’être ta première expérience d’auteure-metteure en scène. Quel est ton rapport à l’écriture ?


J’ai besoin de l’écriture. Si je ne mets pas des mots sur ce que je perçois du monde, je ne suis pas sereine.
Écrire est un processus très long. J’ai des idées, des envies, des images, des bouts de textes griffonnés. En fonction du cadre de production, du nombre de personnages, je trace une première trame, qui s’affine ensuite, ça dure des mois. Beaucoup de lectures, beaucoup d’échanges.
Quand j’arrive au plateau, le texte est là. J’entends sa rythmique, je connais sa musique. Lors du travail avec les acteurs, le jeu est très « partitionné » ; je travaille sur la vitesse, les pauses, les finales, les aigus, les graves, sur les « parlés-chantés ». C’était déjà le cas avec Jo Deseure pour Le Sas. Le texte dit est une musique.
C’est parce que je suis comédienne que j’écris comme ça, parce que je suis comédienne que je mets en scène de cette façon, c’est parce que je suis comédienne que j’ai envie de dire des choses. Tout part de là.


Don Juan, le séducteur et le révélateur, évoque chez toi un mouvement de liberté. Il est l’homme qui défie la norme. Il ne s’agit pas seulement de séduction, on parle aussi de « brûler » la vie, de la fêter.


Don Juan c’est la traversée d’une pensée, d’une façon de vivre ou de refuser la vie telle qu’elle est « cadrée ». il faut transgresser la Loi, ne plus accepter le compromis. Je ne peux plus rester calme. La femme n’est pas une image emprisonnée. Résonne en moi cette phrase de Rimbaud « la femme aussi sera poète ». Est-ce là qu’elle trouvera son chemin ? Si cette première partie du travail amène forcément la femme à être dans la révolte ou dans la solitude, elle trouvera peut-être une liberté qui lui permettra de vivre sa vérité la plus intime. En dehors des rails. Elle est devenue celle qui parle, celle qui crée, celle qui cherche la vérité. Elle devra être aimée au-delà de son corps. Au-delà de son image. Ce n’est plus une femme-objet, une fausse image d’elle-même, une femme sans tête. Elle aime avec sa virilité aussi et voudrait être aimée avec féminité. Une deuxième partie qui sera comme un exutoire dans lequel la femme expose clairement son désir d’être autre chose qu’un objet de consommation, une image, un pâle reflet d’elle-même. Mais en se moquant des clichés et en les jouant pour pouvoir les démonter.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.

Loading…
Loading the web debug toolbar…
Attempt #