Là, j’avais vraiment envie, peut-être à ce moment précis de ma vie, j’avais vraiment envie de retourner à cette langue. Et de retourner à cette problématique que soulève cette langue. Je pense que l’écriture de Bernard-Marie Koltès est une écriture sacrée et je pèse mes mots.

Dans la solitude des champs de coton, ce qui me fascine par-dessus tout, c’est ce besoin absolu qu’a le dealer de vouloir arrêter cette machine infernale qui est de donner la mort. Il veut créer, il veut permettre aux clients d’émettre un désir pour vivre. Il dit : « J’ai senti en vous le froid, la mort, mais aussi la souffrance du froid, comme seul un vivant peut souffrir » et ça c’est quelque chose qui me parle énormément.

J’avais envie de me dire qu’en fait cette histoire était peut-être une allégorie sur notre humanité, sur la possibilité qu’à notre humanité de croire encore à l’avenir, de croire encore à un rêve, de croire encore à une possibilité d’être en avant, au sens rimbaldien du terme ; Et pour moi en fait on assiste Dans la solitude des champs de coton au passeur, à Charon qui se révolte face à Dieu, et qui dit : Non, moi maintenant je veux plus faire passer les morts, je veux créer la vie, et pour créer la vie, il faut que je fasse émettre un désir. Et peut-être que ce client est le dernier client, peut-être que ce client n’est que Charon lui même, peut-être que nous sommes tous le client et que nous sommes tous Charon, peut-être que ce dealer et la personne que l’on rencontrera quand on passera d’une lumière à une autre lumière : «J’allais d’une lumière à une autre lumière et vous m’avez arrêté» dit le client.