Des narrateurs, désignés par de simples tirets, dont le nombre varie d’un scénario à l’autre, racontent ensemble des histoires qui renvoient souvent à un genre particulier (soap-opéra, reportage, publicité, science-fiction…). Ils se partagent ou se disputent la parole. Leur tendance à être d’accord, voire à répéter sans cesse la parole des uns ou des autres, n’excluent pas la question des rapports de pouvoir, de concurrence, de domination entre les êtres. La violence, même masquée, n’est jamais très loin.

Un personnage, dont le nom est soumis à variation et qu’on ne verra jamais sur scène, revient d’un scénario à l’autre. Anne/ Anny/ Annie/ Anya/ Annushka devient tour à tour l’amante d’un politicien, une victime de guerre, une voiture, une terroriste, un poulet à l’armoricaine... N’est-elle qu’un des principaux ingrédients de la société du spectacle ? A moins qu’elle ne soit un leurre ?

Pièce-enquête, pièce-labyrinthe, Atteintes à sa vie se joue, avec ironie, des représentations, des discours (sécuritaire, publicitaire, sectaire, médiatiques…), des clichés (de l’image, de la langue), et des histoires qui circulent dans l’espace public. En les mettant à distance - souvent par le comique - elle invite à penser ce qui reste souvent impensé, ce qu’il peut y avoir de violent, voire de terrifiant dans ce qui nous est familier, et qui finit peut-être par porter atteintes à nos vies. La pièce interroge les usages du langage dans la société contemporaine, et les enjeux de ces usages. Elle vient troubler des histoires bien huilées, et amène le spectateur sur des terrains qu’il croît reconnaitre ; seulement pour mieux le déstabiliser.

Melisa Yener