: Note du metteur en scène
par Kristian Fredric
Ce sera une loge sur un lieu de tournage, quelque part en Europe.
Face à nous, est-ce Arletty qui se confie ou une actrice engagée pour l’interpréter ?
Cette position schizophrénique de l’acteur est un axe passionnant pour traiter de l’ambiguïté de cette femme dans le
monde qu’elle a traversé. Arletty, femme affranchie, arrogante, prête à défier les plus hautes autorités pour imposer sa
vision du monde libre, une Antigone moderne face à la petitesse du jugement, une féministe avant l’heure mais surtout
une femme libre !
Cette femme hors normes n’a rien à envier à toutes celles qui plus tard vont se dresser face au despotisme masculin à
travers le mouvement “Me Too”. Elle choisira à qui elle appartient, à qui elle s’offrira, malgré la bienséance :
« Mon cœur est français, mais mon cul est international » lancera-t-elle à la vindicte populaire prête à la lyncher.
J’imagine un lieu du monde où l’on se prépare à interpréter, où l’endroit des confessions intimes résonne comme une prière. Dans ce monde clos, les pensées transformeront la poétique de l’espace. Une loge, un paravent et des fulgurances visuelles s’inviteront dans cette déambulation de l’âme. C’est en découvrant l’endroit magique du Lavoir Moderne Parisien que l’espace scénographique s’est invité à moi. J’imagine demander à des plasticiens d’inventer ce paravent comme une matière vivante, transpirante, pouvant d’un seul coup nous transporter dans des imaginaires. Non pas un lieu des lamentations mais un lieu du désir et du souvenir, comme si l’un et l’autre étaient liés à tout jamais.
J’entends aussi un de ses chansons, comme une comptine qui se serait immiscée, malgré nous, dans nos mémoires.
J’y vois une femme vibrante, entière, dressée, telle une sculpture de Giacometti. Je ressens une mère que j’aurais aimé
connaître et qui aurait pu, malgré la société, vivre ses contradictions. J’y vois en fait tout ce qui m’anime depuis des
années : Vivre et croire à nos rêves, malgré le jugement de quelques-uns, détenteurs d’un pouvoir dérisoire et si peu
enclins à regarder les beautés qui veulent éclore.
Qui d’entre nous sera Créon ? Il serait bien prétentieux de se croire être à jamais préservé de l’être. Face à la pureté de l’amour, ne doit-on pas faire évoluer nos jugements ?
- Kristian Frédric
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