: Le mot de l’auteur
Ils ont baptisé ce no man’s land de Calais la « jungle ». Qui ? Les journalistes français, les politiques français, les intellectuels français. Mais qu’est-ce qu’une jungle ? N’est-ce pas le lieu de vie des animaux sauvages ? Est-ce que ces migrants sont des animaux sauvages ? Si ce n’est pas le cas, comment en êtes-vous venus à nommer ce lieu la « jungle » ? Par quelle tournure d’esprit en êtes-vous arrivés à vous dissocier de ces migrants, à les pousser en dehors de l’humanité, non seulement dans les faits, mais aussi dans les termes – dans la langue même ? Par le pouvoir de la facilité ! Vous entendez les migrants afghans dire « jangal », qui veut dire « bois » en persan, et vous comprenez « jungle ». Quand la facilité rejoint vos préjugés, nul besoin de dictionnaire ! C’est chose faite ! C’est la jungle, et ceux qui s’y trouvent sont par définition des animaux sauvages. Voilà comment vous, les intellectuels français, vous formez la doxa, l’opinion commune. L’histoire de ce mot nous en apprend plus sur la vision profonde que vous avez des migrants, que tous vos discours : les passeurs profitent du malheur des migrants, oui, et vous profitez des passeurs en vous déresponsabilisant. L’honneur aurait été d’accepter votre part de responsabilité, chers messieurs, mais ce que vous ne voulez pas faire, vous le refilez aux autres ! Vous en êtes quittes à moindre frais !
Aiat Fayez
avril 2016
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