Dans L’Aventure de la parole errante, Armand Gatti raconte que dans le camp d’extermination d’Auzwichz, trois rabbins dansaient et chantaient à heures fixes au péril de leur vie en improvisant sur le thème :
j’étais, je suis, je serai
ich bin, ich war, ich werde sein
Armand Gatti a fait de cette “anecdote” considérable le fondement de son théâtre. En effet, les trois rabbins jouaient leur vie pour maintenir celles des autres.
Gatti raconte dans le même ouvrage, l’histoire de Ruben Monchkine, résistant cévenole, humilié par ses tortionnaires, qui après avoir été jeté dans la fosse à excrément de la prison de Tulle après trente jours de mitard, en est ressorti et a entamé un kazatchok endiablé en rythmant ses pas d’une lettre de l’alphabet sous les yeux admiratifs de ses camarades prisonniers qui bientôt l’encouragèrent en scandant avec lui l’énumération des lettres.

L’alphabet était devenu pour cet homme l’ultime lien avec ce qu’il lui restait de vie.

A comme l’alphabet
A comme première lettre de l’alphabet
A comme Auswitchz de A à Z
A comme anéantissement total de toute possibilité de dire le pire

A comme l’alphabet de A à Z
A comme Auswitchz de A à Z

Sacha Saille