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François Berreur

France – Né(e) en 1959

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Portrait par Elizabeth Mazev

Peut-on dater une amitié ? Je crois pouvoir dire que la mienne pour François Berreur a commencé un mardi de décembre 19.., au bord de la Loue (Franche-Comté), devant une truite aux morilles et au vin jaune. Mireille Herbstmeyer et lui avaient décidé de me faire visiter cette charmante vallée de leur région d'origine, pendant la tournée de La cantatrice chauve, mise en scène par Jean-Luc Lagarce.
La chair exquise, le beau soleil d'hiver, le vin capiteux, la sensation que ces deux-là allaient faire partie de ma vie (je devrais dire ces trois, car l'amour discret qui unissait le triangle Lagarce - Herbstmeyer - Berreur n'avait pu m'échapper), et la confidence goguenarde de François au sortir du restaurant, montrant le cossu manoir transformé en maison de retraite : "J'ai retenu ma place ici pour plus tard", me font dire, oui, c'est bien là que je me suis formulé l'indicible : "Ce sont mes amis"
Des amis francs-comtois, c'est-à-dire que l'effusion n'est pas de mise, mais la fidélité et la constante. François au restaurant (La Coupole, de préférence), commande "un petit campari" , puis des huîtres "si elles ne sont pas laiteuses". Il ne parle pas beaucoup, fait tourner la fumée des ses cigarettes, de sa bouche à son nez, et rit de tout cœur aux bêtises que ses collègues de bureau, (c'est ainsi que nous aimons à nous désigner entre nous après une représentation) lancent entre la poire et le fromage. Il rit encore, vraiment, comme s'il découvrait la chose, à la nième répétition du Malade Imaginaire, (il les a toutes vues et pour cause, il joue aussi quand il n'est pas assistant), ou à la grande Herbstmeyer en robe blanche, gants et faux cils, lancée dans "Le manuel de savoir-vivre."
François, chez lui, quand il a un chez lui, entasse les livres. Ca n'est pas une image, les étagères croulent, les piles penchent dangereusement, certains livres sont ouverts, ou cornés ; on veut l'aider à mettre un peu d'ordre, il s'emporte, ce fouillis est hautement organisé, il lit tout à la fois, un auteur le renvoie à un autre, tel passage lui a évoqué une photographie qu'il a quelque part dans un catalogue. Il lit, et comme tout grand lecteur, son immodestie le fait s'étonner "tu connais ça, toi ?" On lui pardonne, il y a tellement d'écrits connus de lui seul.
François de retour à Besançon, s'inquiète de l'achat d'une bombe neuve, ou de bottes de cheval pour "l'enfant", le sien s'entend, parce que Camille, c'est le nom de l'enfant, on avait compris, a une compétition samedi. "Elle est meilleure cavalière que moi". Dire qu'il n'en est pas peu fier ? A quoi bon? C'est l'évidence.
Fin de l'incursion dans la vie privée de François Berreur, retour à l'homme public, l'homme de théâtre public ; François, ses plannings et ses calendriers de tournées, vend des représentations du spectacle en cours, juste avant le café et les mignardises, à La Coupole encore, "parce que c'est central"; Lagarce rigole et l'appelle Ramirez, le marchand de tapis. Ca n'est pas pour lui déplaire.
A la création de la maison d'édition "Les solitaires intempestifs", il exulte, à sa manière bien sûr. "On verra bien jusqu'où ça ira", on connaît la suite. Il a trouvé le logo et la photo de couverture, le bleu et les nuages. Pour quelqu'un qui a la réputation d'avoir les pieds sur terre...
La maison d'édition va bien, merci ; Francois met en scène un des derniers textes de Jean-Luc. Il rit, on va dire que je me répète, en regardant Hervé danser son texte sur la musique de sa propre voix (la marque des grands acteurs).
Une dernière image, elle remonte à quelques années déjà : le nuage de fumée qui s'élève de la table de mise en scène installée à l'orchestre du Théâtre de l'Athénée. Je suis au balcon, j'assiste à la générale de Lulu. Il termine la mise en scène commencée par Jean-Luc. Ca n'a pas été facile, bien sûr. Mais ce solitaire intempestif (c'était tentant), est un bon soldat.
Et inversement.

Extrait du programme - Théâtre Gérard Philipe


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