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Un homme

+ d'infos sur l'adaptation de Gaël Leveugle ,
d'après A man de Charles Bukowski
mise en scène Gaël Leveugle

: Note d'intention

Buko refuse le texte


1. La vie est un texte.
2. Nous voulons faire des trous dedans
3. Bukowski est tragique, à sa façon.
4. Ce n’est pas vrai que quand on veut on peut.
5. Refuser le texte est le début d’une possible liberté
6. Refuser le texte n’est ni facile, ni plaisant, ni confortable.
7. La liberté — ou une fête — n’a rien à voir avec la facilité, la plaisanterie ou le confort.
8. L’intégrité de notre désir est ce dont nous devons nous occuper avant toute chose.
9. Un spectacle — un poème — peut être une célébration plutôt qu’un discours
10. Ne rajoutons pas de bruit au vacarme incessant de la réalité


Il y a une poétique qui correspond à ce refus du texte. À ce que Kantor appelait la dissolution du présent, que je préfère appeler la liquidation de la réalité. C’est cette poétique-là qui m’intéresse, peut-être plus que le discours du texte lui-même. C’est à partir de là que je commence à écrire mon texte. Le texte de Buko se défend tout seul, il n’a besoin ni d’avocat ni d’anthropologue. Nous n’appartenons pas au même con-texte. Je poursuis mon parcours de création, écriture et mise en scène, en empruntant la poétique bukowskienne. En ce sens — et dans le plus grand respect des mouvements que son écriture a engendrés — son texte me sert de pré-texte.


2. Qu’est-ce que vous entendez par prétexte ?


Un homme, c’est le titre d’une nouvelle de Charles Bukowski tiré de son recueil South Of No North 1. Dans cette petite histoire, Constance se pointe chez George, dans sa caravane, avec une bouteille de Whisky. Elle vient de quitter Walter. Les deux voient monter leur désir de se retrouver, mais dans le monde tel que le déplie Buko, ça n’est pas aussi simple que ça. C’est pas parce qu’on veut qu’on peut. C’est à partir de ce point physique, ce grand déséquilibre, grand bouleversement, tout au fond d’un petit corps, que nous travaillons. Par un artifice minimaliste, nous suspendons le temps pour nous consacrer à la narration de ce seul point, ce moment où on se lance vers l’autre ; le moment où on risque l’épiphanie de son désir.
C’est minimaliste en ce sens que nous nous concentrons sur ce seul moment, sur une histoire rudimentaire. En revanche nous multiplions les actes performatifs qui donnent image de ce moment. L’écriture, le texte de la pièce, est la composition d’impressions rendues par différentes éclats d’un même ensemble. Nous employons la danse, l’acrobatie, du théâtre, la musique, la chanson, de façon diffractée et poreuse. On parle généralement dans ce cas d’un théâtre pluridisciplinaire voire transdisciplinaire.
La métaphore efficace pour évoquer cette approche est celle d’un bouchon de carafe que l’on tourne dans ses doigts. On ne regarde qu’un seul objet mais on en perçoit une infinité changeante d’éclats, une infinité d’impressions.


3. Comment travaillez vous ?


J’ai une double filiation : littéraire d’un côté, et physique de l’autre. J’utilise des techniques de mime, de danse butôh et de voix, que je suis venu à pratiquer dans ma carrière d’acteur et qui constituent maintenant mes ancrages principaux. Je traduis les textes car j’envisage la parole avant tout comme du mouvement et de la dynamique. Le sens d’un mot ne constitue qu’une part minoritaire de son action parlée. Je conçois la scénographie car elle établit les points fixes qui rendront les mouvements expressifs.
Je fais appel à des musiciens en premier lieu pour construire. Ici, il s’agit de Pascal Battus qui pratique des matières frottées, une musique concrète et percussive. Jean-Philippe Gross travaille la diffusion et le montage sonore. Le son a pour moi la faculté de faire image, comme les sourds lisent les paysages sous la pluie, distinguant le bruit des gouttes sur l’allée, sur le toit de maisons et sur les tôles de voitures… La musique à la même fonction sur les mots que la scénographie sur les corps. C’est un con-texte qui détache les formes d'où nous parviennent les voix.
J’établis une dramaturgie, qui constitue le texte réel, un peu comme on l’entend plus généralement d’une partition en musique. Acteurs, éclairagiste, musiciens etc, prennent part ensemble à la narration des dynamiques, des tensions, en solistes ou de concert. Il ne s’agit pas de raconter le désir, nous n’avons pas la prétention de savoir à quoi ressemble une émotion si sauvage au fond de chacun, mais nous avons la prétention de croire qu’on peut en provoquer un partage sensible, et que la célébration, en quelque sorte de cette instance tragique de nos vie, est d’une importance capitale.

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