: Note d'intention
Le Camion d’Hamlet-Machine et la Maladie de la mort de Quartett
L’idée de travailler sur Duras m’est venue spontanément. Sans réfléchir. Comme si cela allait
de soi. Sans la moindre idée d’espace, d’interprètes, de sens même. Pas de pourquoi, pas
de comment. Et pourtant... Müller, Pasolini et Duras, trois contemporains que j’ai beaucoup
fréquentés. Mais elle, Duras, jamais sur un plateau. Toujours lu d’elle des mélanges de
romans, scénarii, nouvelles et tellement d’interventions de tous ordres, y compris une
recette de soupe aux poireaux. Curieux. Moi qui suis attaché aux figures de femmes :
Jocaste, Cassandre, Déjanire, Hélène, Penthésilée, Médée. A y réfléchir, maintenant que j’y
pense, il ne manquait qu’elle, la dernière, pour moi en tout cas, et pourquoi pas la plus
pertinente. Pourquoi pas la plus intelligente ?
J’ai vu d’elle tous ses films ou presque, lu ses romans, tous ou presque. Spontanément, je
n’ai pas voulu monter des textes précis. Surtout des pièces de théâtre. Bien faites, bien
écrites, mais dans une mouvance qui n’était pas la mienne (Pinget, Sarraute). Ce qui
m’attirait, c’était ces interventions politiques et ses écrits sur la littérature et sur l’écriture
surtout. Et puis aussi, pourquoi pas, sa maison à Neauphle, son appartement à Trouville, et
toute l’Indochine.
J’ai fait, j’ai refait, j’ai défait un assemblage de tous ses textes. Cela ressemblait à une
émission culturelle à la télévision. Compilation, commentaire. Le pire de ce que l’on peut
faire à un écrivain.
J’avais vu et lu « le Camion » (qui dans sa structure scénique n’est pas loin d’ « Hélène » de
Goethe montée au Grütli il y a peu), j’avais vu et lu « la Maladie de la mort » montée par
Wilson et interprétée par Piccoli. Et tout de suite, je savais que je tenais un matériau de
théâtre qui s’apparentait à Müller et à Pasolini. Ce que j’ignorais encore, c’était les
connexions entre Duras et Müller. En lisant j’ai voulu vérifier une intuition : les dates et les
publications de quatre ouvrages.
« Le Camion » - « Hamlet-Machine » :1977. « Quartett » - « La Maladie de la mort » : 1983.
Ce n’était pas deux fois les mêmes oeuvres, c’était les mêmes questions en même temps.
Mais, dans des écritures si différentes, des approches si peu semblables et puis surtout un
homme et une femme qui écrivent la même chose dans une proximité et une distance si
proche et si lointaine.
Je ne ferai pas un spectacle avec ces quatre pièces, sinon que les deux Müller cohabiteront dans le silence et la proximité.
Dans « le Camion », une femme seule, errante, dans un camion. Le chauffeur ne dit rien, ne
s’intéresse pas à ce qu’elle dit. Il est lui-même son outil de travail au service de son outil : le
camion. Quand elle parle, il lui dit qu’elle est réactionnaire. En fait, elle chante le monde et il
écoute la radio.
Dans « la Maladie de la mort », un homme paie une femme pour qu’elle vienne chez lui tous
les soirs se coucher dans des draps blancs. Il la regarde nue. La femme et l’homme sont
confrontés à la communauté des hommes et à la communauté des amants comme dans «
Quartett » et « Hamlet-Machine ». Avec le même désir de s’aimer l’un et l’autre et le même
désir d’aimer les autres. Question sans réponse dans un monde qui n’a plus de sens. Mais
vive le sens de la question !
Marc Liebens
Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné,
Je me connecte
–
Voir un exemple
–
Je m'abonne
Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.