Le parcours de la compagnie est intimement lié à mon parcours de vie. Avec Marion Muller-Colard, auteure, nous nous sommes rencontrées à la Scène nationale de la Filature de Mulhouse, sur un projet de transmission. Elle a fait écrire des lycéens sur le thème du suicide et j’ai mis en jeu et en espace les textes avec ces mêmes lycéens. La transmission qu’elle soit dans la création théâtrale ou dans celle plus universelle de la vie est un besoin. Le texte de La Vierge et moi  s’est écrit au contact du plateau et des interprètes. Je me suis associée à Marion Muller-Colard pour la puissance de sa langue à la fois lyrique et brutale ainsi que pour notre préoccupation partagée de ce qui touche, selon Hannah Arendt, à nos « affaires humaines. » La Vierge est moi est portée par quatre comédiennes. En réalité ces quatre figures pourraient se retrouver dans une seule et même femme. Non pas la Vierge Marie, je parle ici d’une femme ordinaire. Aussi paradoxal que cela puisse être je ne suis pas croyante. Cependant cette icône a bercé mon enfance et je pense qu’elle a induit, en tous les cas chez moi, un désir de perfection qui est tout à la fois moteur et destructeur. Il s'agit de plonger dans la matière d'une auteure contemporaine qui cisèle notre existence. Voir La Vierge et moi, c'est pouvoir s’identifier, en tant que personne, dans un vaudeville existentiel ; où les générations se frôlent ; où l'Autre et Soi s’avèrent être les deux faces d’une même médaille.

Comment as-tu travaillé ? Pour cette création, j’ai suivi trois axes majeurs : Les corps parlants : Pour moi, un théâtre des corps parlants (j’emprunte ce terme à Olivier Py) donne aux mots le pouvoir de générer du mouvement et au mouvement celui de générer des paroles. La musique, la lumière, la scénographie, les costumes sont autant d’acteurs qui jouent avec les acteurs. Dans ce théâtre, l’art de l’acteur est central. La mise en scène est pensée en mouvement comme une chorégraphie organique. La Vierge et moi est un théâtre avec des vides, un théâtre où tout n’est pas dit, tout n’est pas montré. Les évocations sont fortes et laissent toute la place à l’interprétation, l’introspection. J’aime que le spectateur soit actif. Ces vides ouvrent et font circuler l’imagination du spectateur. D’autant plus que les textes sont très fournis. C’est une scénographie faite de carton appuyée par quelques objets réalistes pour que l’imaginaire s’ancre quelque part. Cette pièce active notre intelligence émotionnelle et s’adresse à tous.