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Grand fracas issu de rien

+ d'infos sur le texte de Pierre Guillois
mise en scène Pierre Guillois

: Note d’intention

Grand Fracas issu de rien est un cabaret en cela qu’il réunit des artistes aux métiers variés et complémentaires qui vont produire une série de numéros dont une des vertus doit être de nous impressionner pour assurer le minimum de divertissement que l’on est en droit d’attendre d’un spectacle qui revendique cette touche de music-hall. La qualité des artistes que j’ai invités et leur radicalité ont permis de faire naître des émotions complexes, un trouble au-delà du rire ou de l’ébahissement.


Ce spectacle est avant tout organique et chaque artiste a pour mission de toucher un endroit spécifique de la sensibilité potentielle des hommes et des femmes qui y assistent. Ainsi, l’acteur et ses mots s’adressent-ils surtout au cerveau humain ; le verbe de Novarina a grand plaisir à le chahuter, à le stimuler tandis que la célérité de Dominique Parent à l’intérieur de ce labyrinthe de mot ne cesse de nous subjuguer. La chanteuse, une soprano colorature, prend un malin plaisir à titiller notre oreille, entrée directe sur notre coeur ; la voix de Sevan Manoukian atteint les limites du possible alors qu’elle émane d’un corps si frêle ; elle peut aussi bien nous effrayer ou nous faire pleurer. Les mouvements du gymnaste ont comme tâche de secouer notre propre carcasse ; l’exercice a sculpté le corps de Younesse El Hariri et lui permet de lutter contre les lois de la gravitation ; cette prouesse confine à la grâce. Le jongleur s’adresse, quant à lui, à la part la plus enfantine de notre être ; Adrien Mondot joue à la fois de sa virtuosité de jongleur, mais de notre capacité à accepter l’illusion, à la réclamer comme le sésame d’un paradis perdu. Le percussionniste enfin vise nos articulations, nos os, nos viscères ; Benjamin Sanz fait rythme de toute branche et s’enrage à raviver les saccades ancestrales qui ont toujours fait danser les hommes.


Ce spectacle est donc une accumulation de solitudes. De surdoués, certes, mais présentés sans emballage, au plus brut de leur forme. Aucune histoire, nul mélodrame pour notre comédien, pas même de partenaire ; seulement lui et sa technique folle ; un clown des mots ou un jongleur du verbe, comme on voudra. Aucun instrument pour accompagner notre soprano ; seulement son chant pur dans l’abîme, sa voix divine a capella. Hors compétition notre gymnaste qui apparaît seul face aux instruments de torture que sont les agrès, avec pour seul accompagnement son souffle amplifié ; ce n’est plus un athlète, c’est un homme qui affronte des bêtes. Notre jongleur est comme dans un songe, en errance, perdu lui-même dans cette illusion qu’il croyait nous tendre comme un piège, au milieu de mille balles en suspension. Qu’il frappe ses mains contre la carcasse d’une courge ou utilise des instruments sophistiqués, le percussionniste nous offre le rythme à l’état brut ; un Job ruiné mais qui peut enchanter le monde avec deux petits bouts de bois."


Ce cabaret n’oublie pas d’être drôle et spectaculaire, car ce n’est pas antinomique avec le raffinement que nous quêtons. Déconcertante la soprano lorsqu’elle essaie d’élaborer une partition avec des rires ou des gémissements. Comique Novarina parce que ses textes sont aussi - et peut-être avant tout - des bouffonneries verbales. Absurde parfois le jongleur et ses tours de passe-passe mais c’est de notre duperie que nous rirons. Grandiose notre batteur quand il veut, tout simplement, nous en mettre plein les tympans. Mais le spectacle visuel qui forme à la fois la scénographie et la dramaturgie de cette soirée spectrale doit surtout à l’invention numérique d’Adrien M. et Claire B. Hallucinante sensualité d’une projection conçue pourtant à partir de 1 et de 0. Ces deux artistes ont inventé un espace mouvant au milieu duquel la parole de Novarina se faufile malicieusement tandis que les corps des uns et des autres dialoguent avec ces arabesques blanches manipulées en direct par la très sensible Claire Bardaine.


C’est cet alliage à la fois délicat et brut de décoffrage qui a fait, à sa création, vaciller la salle de Bussang autour de ce joyeux malentendu qu’est toujours le cabaret. Ces invités improbables savent réveiller les phantasmes surannés que ce genre évoque et déconcerter les fantômes boudeurs qui suivent en cortège tout spectacle qui se réclame du fabuleux, magique, sulfureux, mais surtout si mystérieux CABARET !

Pierre Guillois

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