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Biographies d'ombres

mise en scène Isabelle Pousseur

: La Pièce

Tensions et non-dits


Biographies d’ombres est une pièce courte, économe dans son langage et très énigmatique. La langue des personnages s’atrophie véritablement pour donner plus de place au silence et au non-dit qu’à ce qui se dit effectivement. Tout au long de la pièce, une tension extrême est sensible entre les personnages alors qu’ils ne parlent presque que de banalités. Tout se passe comme si la parole n’était là que pour meubler le silence qu’on ne peut, qu’on ne veut pas entendre. L’espace même de la représentation évoque un huis clos dans lequel on ne respire pas.


  • Filip. Tu ne veux pas être gentil avec moi ?
  • Magnus. Gentil ?
  • Filip. Oui. Avec moi.
  • Magnus. Avec toi ?
  • Filip. Oui. Tu ne veux pas ?
  • Magnus. Quoi ?
  • Filip. Être gentil.
  • Magnus. Avec toi ?
  • Filip. Avec moi, oui.
  • Magnus. Et pourquoi ?
  • Filip. Tu ne veux pas ?
  • Magnus. Être gentil avec toi ?
  • Filip. Oui ?
  • Magnus. Et pourquoi ?

Le temps


La structure temporelle de Biographies d’ombres est singulière : le deuxième acte se passe cinq ans avant le premier et le troisième six ans après. Norén interroge ainsi le rapport entre passé, présent et avenir. Dans le passé a eu lieu une faute (ou plusieurs fautes). Ces fautes pèsent sur le présent comme des cicatrices qui ne se referment pas. Le passé est donc présent dans le présent. De la même manière, l’avenir est une question. Il existe comme possibilité mais pas comme certitude. Le passé, qui a enfermé les personnages dans des blessures qui les condamnent et les empêchent de vivre au présent, rend aussi leur avenir improbable.


En proposant cette construction singulière, Lars Norén nous introduit dans un monde aux frontières temporelles incertaines, monde dans lequel se pose, avec beaucoup d’acuité, la question du présent et de tous ses possibles.


  • Filip. Alors, tu es rentré ?
  • Magnus. Oui.
  • Filip. Tu es revenu ? Tu es revenu à la maison ?
  • Magnus. Oui. Un temps. Salut.

Hyperréalisme et étrangeté


La présence constante de non-dits et la structure temporelle non chronologique amène le spectateur à douter de la réalité de ce qui lui est donné à voir. De la même manière qu’il rend flottantes les frontières temporelles, Lars Noren joue subtilement avec les notions de réalité, de rêve, de souvenir ou de fantasmes. La sensation est ici plus proche du rêve ou du souvenir que du réel. L’action est-elle vraie ou « rêvée » par l’un ou l’autre des personnages ? De ce fait, il place le spectateur en position « active » : celui-ci doit pouvoir se raconter sa propre histoire, remplir les blancs et retrouver d’une certaine manière, l’incertitude de la vie.


J’ai hâte que le monde disparaisse. Non, j’ai hâte que l’essence du monde pénètre en moi…
Je me situe entre des mouvements d’ombres et un réalisme extrême. Les deux formes sont aussi fortes et aucune ne fléchit.
Lars Norén, Journal intime

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