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Amnésique en musique

+ d'infos sur le texte de Philippe Leygnac
mise en scène Julien Feder

: Notes d’intention

Un homme et une femme sont amnésiques, mais sporadiquement. Ils vivent ensemble sous le même toit... un lieu parfois étrange. Souvent, ils ne se reconnaissent pas, ignorent leurs prénoms respectifs... Isolés du monde, ils tentent de gérer les tâches de la vie quotidienne qui, à cause de leur amnésie, deviennent à la fois absurdes, surréalistes et souvent comiques. Mais l’arrivée inattendue d’un troisième et curieux personnage va bouleverser leur train de vie déjanté.


Le rythme et la musique deviendront avant tout leur lien de communication principal. Et cela n’est certainement pas le fruit du hasard...


La mémoire, notre identité


Suite à la maladie ou après un choc émotionnel ou physique, la défaillance de la mémoire engendre très souvent une perte d’identité et donne naissance à une succession de comportements surprenants, parfois totalement imprévisibles.
Des traits de caractère souvent opposés à ceux d’avant, apparaissent et on peut découvrir une personne étrangère chez un être bien connu. Un introverti deviendra extraverti, un belliqueux, pacifiste, etc.
Cela peut même aller jusqu’à une confusion voire une inversion de l’identité des sexes. Ainsi par la force des choses, les amnésiques se retrouvent à l’écart de notre société. Leur «monde» inexploré et fascinant nous renvoie à notre propre solitude, notre isolement, et pas seulement dans notre entourage, mais aussi dans l’univers.
Leur défaillance les pousse parfois à répéter sans cesse des gestes de la vie quotidienne. Il sera intéressant d’accentuer la répétition de ces gestes journaliers et d’en accélérer peut-être le rythme (grâce à la musique) jusqu’à l’absurde dans une chorégraphie précise et poétique.
Bien entendu, on ne va pas se focaliser sur la maladie d’Alzheimer, mais davantage tenter de traiter le sujet de l’amnésie par le biais du théâtre et de la musique, avec humour, tendresse et dérision.


Le cerveau et la mémoire


Notre cerveau est probablement l’organe le plus complexe et méconnu du corps humain. Mais plus on avance dans le temps, plus notre mémoire se «remplit»... A-t-elle des limites? L’amnésie est-elle une vraie maladie de notre cerveau vieillissant?
Ou n’aurions-nous pas plutôt besoin, à un moment de notre vie, d’alléger nos pensées, se libérer du «poids» de notre mémoire pour tout simplement effacer nos angoisses et vivre plus sereinement?


La musique et la mémoire


La musique sera toujours un échange et un langage universel, autant par transmission orale qu’écrite, et je dirais aussi physique...
Elle est aussi de toute évidence pour beaucoup d’entre nous une sorte d’échappatoire à la lassitude de la vie quotidienne. On pourrait même dire que de par notre voix, notre coeur ou nos pas, elle nous accompagne à chaque instant.
Comme la vie, la musique est une répétition d’actions dans un cycle bien défini. La répétition de gestes et l’utilisation de «boucles» musicales. La mémoire est un merveilleux magnétophone.
L’amnésie peut nous entraîner dans une accélération de mouvements et d’actions récurrentes parfois sonores soutenue par une musique à caractère répétitif. En exerçant continuellement son oreille et en répétant inlassablement les phrases musicales avec des gestes précis, le musicien ne saurait-il pas mieux appréhender ou gérer les troubles de la mémoire?


L’amour et la mémoire


J’ai déjà suggéré plus haut que je ne traiterai pas le sujet de la maladie d’Alzheimer qui atteint principalement des personnes au-delà de la soixantaine et qui reste avant tout une maladie dégénérative du cerveau dont l’issue est fatale. Néanmoins, la perte de la mémoire dans un couple sera l’un des thèmes principaux du spectacle. J’aimerais citer cet extrait troublant de «L’Éclipse» de Serge Rezvani qui retrace les quatre dernières années passées avec sa femme Lula atteinte de la maladie d’Alzheimer.


«Et puis surtout ce qui m’obsède, la question qui nuit et jour me poursuit, c’est: mais qu’est- ce que l’amour alors? Sur quoi se fonde-t-il puisque le corps à lui seul ne lui suffit pas, puisque l’intelligence à elle seule ne lui suffit pas non plus; puisqu’il est évident qu’il y a principalement autre chose en plus de l’intelligence et en plus du corps. Ce serait donc vraiment dans le mystérieux univers des neurones que se situerait ce principe, ce charme? Oui ce quelque chose d’indéfinissable qui apparaît cruellement – disons en creux – quand meurent les neurones, et que tout le sublime de l’être s’effondre à mesure de leur disparition...»
Serge Rezvani, L’Éclipse


L’absurde et la mémoire


L’absurde lié au trouble de la mémoire. Les troubles de la mémoire engendreront des comportements insensés et des situations aberrantes. Aussi je m’autorise à penser que les courts échanges et dialogues qu’auront les personnages d’Amnésique en musique seront sans doute eux aussi, autant absurdes que poétiques.


Comme par exemple:


- excusez-moi
- oui ?
- pourriez-vous m’aider ?
- quel est votre problème ?
- j’ai perdu mon nom
- vous êtes sûr ?
- certain
- quand l’avez-vous perdu ?
- je ne sais pas
- il est peut-être tombé !
- je n’ai rien entendu tomber !
- normal
- pourquoi ?
- il est sûrement tombé dans l’oubli...

Philippe Leygnac

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