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Présentation de la saison 2020/2021, Odéon -Théâtre de l'Europe

Que pèse le théâtre face aux drames qui se sont joués dans les hôpitaux et les Ehpads, et face à tous ceux qui ont pu être évités grâce au confinement ? Et pourtant, c’est peu de dire que le théâtre nous a manqué : ce lieu où l’on aime se confiner volontairement et ensemble pour traverser les murs du réel. Quelle frustration pour tous les artistes qui n’ont pu présenter leur travail, pour tous les spectateurs qui attendaient de découvrir les sept spectacles que nous avons dû partiellement ou totalement annuler ! Et quelle désolation de voir nos théâtres à l’arrêt, vides, ces décors à l’abandon dans la pénombre, désespérément inhabités. Notre art est éphémère et nous vivons entourés de fantômes, mais pour que ces fantômes vivent, encore faut-il que des acteurs en chair et en os les aient inscrits dans nos mémoires comme d’intenses rémanences. Nous ne pouvions nous résoudre à laisser errer tous ces fantômes sans mémoire du printemps 2020. Nous avons donc souhaité reporter, autant que possible, les spectacles annulés.

Vous retrouverez donc au programme de la saison prochaine La Ménagerie de verre de Tennessee Williams, dans la mise en scène d'Ivo van Hove avec Isabelle Huppert, La Double Inconstance de Marivaux, mise en scène par Galin Stoev, et Berlin mon garçon de Marie NDiaye par Stanislas Nordey.

En ce qui concerne Christophe Honoré et Tiphaine Raffier, dont les spectacles ont aussi été annulés, nous avons fait le choix de donner la priorité à leurs nouvelles créations : Le Ciel de Nantes, une saga familiale et autobiographique dont Christophe Honoré a décidé de faire théâtre après l’avoir longtemps couvée comme un film imaginaire ; La Réponse des Hommes, un projet atypique que Tiphaine Raffier a conçu un peu à la manière du Décalogue de Kieslowski, pour mesurer avec les moyens du théâtre l’écart entre nos actes et nos principes de conduite.

Dans un contexte de fragilisation extrême de l’économie du spectacle vivant, cette priorité à la création a été notre guide, ainsi que le soutien à nos artistes associés : Sylvain Creuzevault, Christiane Jatahy, Caroline Guiela Nguyen et, désormais, Alexander Zeldin.

Après le succès de ses Démons l’an passé, Sylvain Creuzevault poursuivra ainsi son aventure dostoïevskienne avec Les Frères Karamazov. Je lui ai également proposé d’occuper la salle de l’Odéon pendant tout l’automne et de concevoir, en plus de son adaptation du dernier roman de Dostoïevski, une création originale qui pourrait être jouée quelles que soient les restrictions sanitaires en vigueur : ce sera donc Le Grand Inquisiteur, une variation autour de la célèbre parabole d’Ivan Karamazov au cœur du roman, ici traversée par des figures anachroniques comme Staline, Thatcher ou Trump, que Creuzevault démasque comme autant de “grands inquisiteurs” de l’Histoire.

La metteuse en scène brésilienne Christiane Jatahy créera Entre chien et loup, un spectacle inspiré du passionnant film de Lars von Trier Dogville. Ce projet, qu’elle porte depuis l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro, est rendu chaque jour plus nécessaire par l’évolution de la situation politique dans son pays : il s’agira d’une fable impitoyable sur la xénophobie et le fascisme au quotidien.

Si la nouvelle création que Caroline Guiela Nguyen mettra en répétitions cet hiver ne s’annonce que pour la saison 2021-22, nous accueillerons en revanche dès cet automne notre nouvel artiste associé, le jeune auteur et metteur en scène britannique Alexander Zeldin. Nous vous avions présenté dans le cadre du Festival d’Automne 2018 son spectacle LOVE, bouleversant de délicatesse et d’humanité. Cet automne vous pourrez voir Faith, Hope and Charity, le dernier volet de sa trilogie consacrée à l’intimité en temps de crise.

Pour compléter ce programme international, dont nous avons réussi à maintenir plusieurs spectacles malgré la pandémie, nous présenterons pour la première fois le travail du metteur en scène burkinabé Aristide Tarnagda. Dans le cadre de la saison “Africa 2020”, il recréera en salle son spectacle créé dans les cours des maisons de Ouagadougou, il y a deux ans, au festival Récréâtrales. Que ta volonté soit Kin (Kin comme Kinshasa) est une ode à sa ville de l’écrivain congolais Sinzo Aanza, ici incarnée par une troupe panafricaine, qui veut éprouver ensemble “la capacité du rêve à détrousser le monde de sa misère”.

Cette puissance de l’utopie, c’est aussi elle qui porte Antoine et Cléopâtre, obstinés à s’aimer dans un monde où ne règnent qu’ambition et jeux de pouvoir, dans la pièce de Shakespeare telle que la conçoit Célie Pauthe. Leur union, aussi difficile soit-elle, apparaît comme la promesse ou le rêve – envers et contre tous les égoïsmes nationaux, envers et contre tous les replis sur soi – d’une planète commune.

Pour ma part, j’avais décidé avant la crise de poursuivre mon exploration de l’œuvre de Pirandello en vous présentant une pièce rarement jouée, Comme tu me veux, sans doute la plus européenne de son auteur. Ce n’est certainement pas un hasard si Giorgio Strehler en présenta une version en italien dans les premières années du Théâtre de l’Europe. Pièce fascinante sur les traumas des guerres et les dénis de l’Histoire : elle se déroule en 1929 entre Berlin et la Vénétie, entre nazisme ascendant en Allemagne et fascisme triomphant en Italie, et met en scène des êtres dont on ne sait s’ils sont amnésiques de leur “vie d’avant” ou s’ils veulent seulement en faire table rase, face à d’autres qui voudraient vivre leur “vie d’après”, la reconstruire et y prospérer de nouveau, sans jamais regarder sous leurs pieds les traces du monde en ruine.

Pendant la crise et les semaines de confinement, nous avons envisagé tous les scénarios, le pire avec le théâtre fermé pendant un an, le meilleur avec une réouverture “comme si de rien n’était” à la rentrée de septembre. Beaucoup d’incertitudes planent encore. Mais peu à peu s’est affirmée l’idée que reprendre “comme si de rien n’était” ne serait ni souhaitable ni juste.

Il m’a semblé que le théâtre pourrait être au contraire l’occasion de questionner cette expérience commune que nous avons vécue paradoxalement repliés sur nous-mêmes. Une pièce s’est imposée : l’Iphigénie de Racine. On y voit la grande puissance mondiale grecque mise à l’arrêt par un phénomène mi-naturel, mi-divin : les vents sont tombés et l’armée, clouée en Aulide, ne peut faire voile vers Troie. Il y est question des sacrifices à faire pour que ça reparte, pour que les rois du monde continuent à exercer leur volonté de puissance : sacrifice de la jeunesse, sacrifice de l’étranger, sacrifice de ce qui nous relie, habitants d’une même terre. Faisons le pari, une fois encore, que les grands poètes, d’hier et d’aujourd’hui, nous aideront à nous orienter dans le présent.

Stéphane Braunschweig

Détail de la vidéo

  • Langue : français
  • Durée : 4 minutes 20 secondes
  • Lieu : Odéon-Théâtre de l'Europe - Paris
  • Copyright : Odéon-Théâtre de l'Europe - Paris
  • Ajoutée le 22/06/2020

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