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Couverture de Incendies

Incendies

de Wajdi Mouawad


Incendies : La question des origines : mémoire et fiction

Extrait du dossier Pièce (dé)montée rédigée à l'occasion de la mise en scène de Stanislas Nordey

Il est difficile de ne pas associer certains indices biographiques révélés sur la vie de l’auteur et les histoires racontées dans ses pièces, particu- lièrement Littoral, Incendies et Forêts. Rappelons que les trois œuvres prennent part dans un projet de tétralogie dont le dernier volet reste pour l’instant suspendu à un titre, Ciel.


Exilé par deux fois, s’interrogeant sur ce qu’il nomme une « monstruosité », ce français qu’il maîtrise si bien mais ne se rappelle pas avoir appris, Wajdi Mouawad ne parle plus sa langue maternelle depuis son départ du Liban. Il en retrouve pourtant une trace dans son dernier spectacle, Seuls, faisant de la scène un lieu de mémoire.


« Avec Forêts s’achève pour moi, je crois bien, une manière de raconter et de déplier une histoire, s’achève aussi cette conviction de la nécessité des origines et de l’héritage, comme si plus important encore que le passé, il y avait les ténèbres qu’il fallait pénétrer, quitte à y laisser sa peau et sa raison, pour tenter d’éclairer la violence de notre présence. »


Par ailleurs, les échos d’un texte à l’autre sont troublants. Dans Visage retrouvé par exemple, unique roman de l’auteur, un jeune garçon lui aussi prénommé Wahab raconte un attentat survenu dans un bus comme le fait Nawal dans Incendies. Cette dernière distingue dans la foule une femme et son enfant, Wahab lui, voit un garçon qui pourrait être son ami. Chacun semble assister, terrifié et impuissant, à l’irréversible décomposition de son double dans les flammes. Les loups6, l’expression « couteau planté dans la gorge »7, le chemin qui mène à l’hôpital8 où un proche avoisine la mort sont autant d’images qui hantent l’écriture.


Pourtant, les pièces de Wajdi Mouawad ne sont pas autobiographiques, la réalité est bien présente mais elle constitue « l’engrais »9. La plante qui en est issue (le texte) est autre chose. Une transfor- mation est opérée, invention sur le plateau, mais aussi échanges entre l’auteur et les comédiens autour de l’écriture. Les multiples variations autour de ce qui a pu sembler au dramaturge être une même histoire10 iraient dans ce sens-là. Si le théâtre permet un rituel et réactive soir après soir la mémoire, il est aussi un lieu de fiction. Les nombreux rebondissements, ces coups de théâtre chers à l’auteur, en sont l’un des aspects.


– Afin de mettre en avant cette relation entre mémoire et fiction, on demandera dans un premier temps aux élèves, en préparation à cette séance, de faire leur arbre généalogique, matrice nourricière qu’ils n’auront pas à dévoiler aux autres. En classe, après les avoir interrogés sur la démarche mise en œuvre, on questionnera les zones d’ombre, d’incertitude et l’aspect souvent fragmentaire ou inachevé de cet arbre.

– On proposera ensuite à un élève volontaire de venir raconter aux autres l’histoire de sa famille.


Cécile ROY, Professeur de Lettres, académie de Créteil
Extrait de Pièce (dé)montée N°55, octobre 2018


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