Incendies : Incendies de Wajdi Mouawad par Antoine de Baecque
Cela fait plus de vingt ans que Wajdi Mouawad écrit des pièces de théâtre, qu'il les
monte, que parfois il les joue. Cet homme de quarante ans est déjà célèbre dans les
milieux de la scène, des deux côtés de l'Atlantique, à Montréal où il est arrivé à 15
ans, à la suite de parents fuyant la guerre civile au Liban, en France où ses pièces
sont souvent mises en scène et où elles sont éditées.
Le Festival d'Avignon a consacré en 2009 cette place centrale dans la dramaturgie contemporaine en lui proposant d'être son artiste associé. Dans la Cour d'honneur du Palais des papes, cet été-là, Wajdi Mouawad a proposé trois pièces, qui se poursuivaient toute une nuit durant, du crépuscule à l'aube : Littoral, Incendies, Forêts. De cette trilogie de l'exil et du retour sur les lieux où une famille s'est déchirée, le second volet, Incendies, est destiné à devenir le texte classique de notre temps.
Dans les livres d'histoire de la littérature française écrits dans un siècle, dans les
futurs livres d'histoire tout court, il est absolument certain qu'Incendies tiendra un
rôle majeur : ce sera LA pièce des débuts du XXIe siècle, celle d'une bouleversante
quête initiatique, celle d'une odyssée des origines, celle des trajets et des
migrations, celle du choc des cultures entre l'Occident et l'Orient, celle où se
croisent la question de l'intime, du singulier, et les violences des guerres, des
communautés malmenées par l'histoire, celle, enfin, où l'écriture, les dialogues, la
construction, portés par un souffle épique et une intelligence aiguë, font revivre le
monde de ces trente dernières années, le monde tel qu'il ne va plus, parcouru de
folies, de massacres, de prisons, d'attentats, de désespoir et d'égoïsme.
Si tout va mal dans ce monde en proie à la déraison, pourtant — et c'est la force de ce texte — on y rit, on y aime, on s'attache à des personnages si proches, si faibles, si vaillants, on tremble comme dans un thriller familial, et on finit même par savoir d'où l'on vient et par comprendre les bourreaux autant que les victimes.
Ce texte-monde, né sur scène en 2003 par la volonté d'un artiste qui possède ce
pouvoir suprême qu'est l'art de raconter, devait absolument passer à l'écran : la
puissance universelle de cette écriture exigeait cette confrontation autant que cette
fusion avec le cinéma, et ses manières, souvent très différentes, de visualiser, de
monter, d'incarner les histoires.
Denis Villeneuve a tenté ce pari, et le relève avec sa propre personnalité, celle d'un des cinéastes québecquois les plus talentueux de sa
génération, auteur de trois films remarqués, Un 32 août sur Terre, Maelström,
Polytechnique. Il le fait avec une grande liberté, tout en rendant à Incendies son
tourment, ses destins, sa géographie mouvante, sa construction captivante. Comme si
ce film avait réussi à faire naître du texte toutes les images dont il était porteur.
Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné,
Je me connecte
–
Voir un exemple
–
Je m'abonne
Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.