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Couverture de Erreur de construction

Erreur de construction

Ou de l'importance du jardin, des fleurs, du soleil, de l'été et de l'amour pour l'humanité et les gens

de Jean-Luc Lagarce


Erreur de construction : Extrait 1 : Entrée de Monsieur Auguste Herut

ThCI, p. 22-24

MADAME LOUISE SCHEURER. – Si la mise en scène de cette pièce est bien faite, un coup de sonnette devrait retentir en coulisse et madame Eda Tristesse devrait entrer.


Silence. Long et ennuyeux. Trop long et très ennuyeux.


MONSIEUR AUGUSTE HERUT, il entre. – Mon nom n’est pas madame Eda Tristesse, comme les moins stupides d’entre vous l’ont peut-être deviné. Mon nom n’est pas non plus « Waterloo-Waterloo ». Mon numéro de téléphone n’est pas le 83.43269.546. Je n’ai pas non plus de grain de beauté sur l’épaule droite comme semble le croire la dame du second rang. Mon nom est monsieur Auguste Herut. Mon père s’appelait Albert, il est mort à la guerre. Mon grand-père s’appelait Charles, il est mort dans un accident de cheval. Le père de mon grand-père s’appelait Emile et sa femme s’appelait Charlotte.


MADAME LOUISE SCHEURER. – Est-ce que je peux me permettre de vous demander ce que vous venez faire chez moi ?


MONSIEUR AUGUSTE HERUT. – En aucun cas, madame, vous ne pouvez vous le permettre. En 1923, à Londres, est née une jeune fille ...


Coup de sonnette.
Silence, gêne.


MADAME LOUISE SCHEURER. – Entrez.


MONSIEUR AUGUSTE HERUT. – Madame, c’est moi, qui devais sonner.


MADAME SOPHIE NOTIOR. – Et bien voilà un oubli réparé.


MONSIEUR AUGUSTE HERUT. – Je reprends. Donc, en 1923, à Londres est née une jeune fille au teint frais et à l’haleine pure. Elle vécut jusqu’à l’âge de 58 ans et mourut en 1934, laissant seule au monde une fillette de 2 ans. C’est cette enfant qui allait devenir la grand-mère de ma propre grand-mère. Ma grand-mère épousa un marin anglais sans accent et se retrouva veuve avec une fillette à élever. Cette fillette mourut de la rage à 8 ans sans laisser aucune descendance. Mon père me trouva un jour devant une porte cochère et c’est là que je me suis retrouvé ce matin. Il se trouve que la concierge de cet immeuble vous connaissait vaguement, et je me suis permis de venir vous saluer.


MADAME LOUISE SCHEURER. – Merci, monsieur. La porte est juste derrière vous. Mais je ne vous raccompagne pas, vous connaissez le chemin. Au revoir, monsieur, et le bonjour chez vous.


MONSIEUR AUGUSTE HERUT. – Au revoir, madame, et le bonjour chez vous.


Il sort.


MADAME SOPHIE NOTIOR. – Il était bien convenable, ce monsieur. Et très comme il faut. De la distinction, et propre, sans odeur. Il nous a raconté une belle histoire, et c’était bien joli. Quand je pense que mon pauvre Albert détestait les histoires. Enfin, c’est la vie...


MADAME LOUISE SCHEURER. – Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi il est venu et pourquoi surtout il est reparti si vite. C’est anormal. On dit, je crois, que de nombreux individus louches rôdent dans la ville et mettent les incidents à profit. Il est vrai que la tentation est grande quand on est pauvre de voir les autres continuer à survivre. Mais, après tout, pourquoi ont-ils essayé de tout changer, alors que tout allait si bien.


Coup de sonnette.


Entrez.


MONSIEUR AUGUSTE HERUT, il entre. – Madame, permettez-moi de m’excuser, mais un fait nouveau m’a encouragé à revenir me présenter à vous. Mon nom est toujours monsieur Auguste Herut ; mon père s’appelait Albert, il est mort à la guerre ; mon grand-père s’appelait Charles, il est mort dans un accident de cheval.


MADAME SOPHIE NOTIOR. – Comme c’est triste.


MONSIEUR AUGUSTE HERUT. – C’est la vie, madame.


MADAME SOPHIE NOTIOR. – A qui le dites-vous.


MONSIEUR AUGUSTE HERUT. – Mais, à vous, madame.


MADAME LOUISE SCHEURER. – C’est tout ce que vous avez trouvé pour nous faire rire ?


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