: Quelques notes sur une façon de travailler
par Jean-Christophe Meurisse
Les acteurs sont à l’origine de l’écriture
Il n’y a pas "d’œuvre dramatique préexistante" à nos créations théâtrales. Au
commencement de l’écriture, il n’y a pas de texte. Les acteurs sont à l’origine de l’écriture.
Autonomes et disponibles à tous les présents sur scène.
Je propose toujours un thème aux acteurs avant le début des répétitions.
Deux ou trois pages avec des situations comme point de départ. Mais aussi des didascalies,
des idées de scénographie, une liste d’accessoires, des extraits de textes, de poèmes, des
paroles de chansons, des photos, quelquefois des dialogues (rarement écrits pour être
interprétés mais pour s’en inspirer)... Ces quelques feuillets que j’appelle le terrain vague
permettront d’éveiller ou de préciser l’imaginaire de chacun, en amont des improvisations.
Dès le premier jour, nous commençons directement sur le plateau par des improvisations.
De toutes durées. C’est le début d’un long chantier. Celui d’une autre forme d’écriture
détachée de la couronne textuelle des mots. Celui des acteurs, de l’espace et du vide.
Toutes ces répétitions donneront champ à l'improvisation sur canevas pendant les
représentations.
Pour une écriture en temps réel
Ce canevas permettra aux acteurs de se retrouver lors de rendez-vous : un court
événement, une parole précise ou un son diffusé.
Un canevas qui sera l’unique et nécessaire garde-fou des acteurs, mais qui laissera toujours
la place durant les représentations, à l’expérimentation, à la prise de risques, à cette
écriture en temps réel, en perpétuel mouvement accentuant ainsi l’ici et maintenant de
chaque situation.
À travers cette expérience, nous cherchons ainsi une autre façon de raconter des histoires,
une forme qui refuse toute tranquillité.
L’improvisation est une forme complètement indomptable et nous croyons qu’il faut
toujours prendre le parti de suivre son mouvement plutôt que l’acquis du récit. Car le geste
doit rester vivant, toujours. Il ne doit pas mourir. Le récit s’invente, se constitue à même le
plateau. Ensuite nous discutons, nous analysons ce qui s’y est passé. La pensée
dramaturgique reprend sa place.
Le travail n’est donc jamais figé. La représentation n’est que le prolongement des
répétitions sans point d’achèvement.
La création collective : plusieurs regards et un œil extérieur
Notre travail collectif consiste donc à trouver une démarche qui ne rende pas le metteur en
scène plus important que l’acteur. L’acte de mise en scène ne m’appartient pas seulement
puisque l’acteur en est aussi l’artisan. J’orchestre le travail en me demandant si les
propositions me semblent saisissables ou non.
Je passe par plusieurs types de concentrations : celle du spectateur (découverte des
premières improvisations), celle du monteur (choix et assemblage des scènes reprises en
représentation) et celle d’un chef d’orchestre (pour accompagner les impulsions et
soutenir l’écoute des acteurs solistes, une fois le montage établi).
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