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Tori no tobu takasa

+ d'infos sur l'adaptation de Oriza Hirata ,
mise en scène Arnaud Meunier

: À l’initiative du projet : Arnaud Meunier, metteur en scène...

Une improbable rencontre
En 2006, Oriza Hirata m’a invité à travailler avec sa compagnie et j’avais choisi de mettre en scène la demande d’emploi de Michel Vinaver. Quand nous avons joué Gens de Séoul au Théâtre National de Chaillot quelques mois plus tard, c’est tout naturellement que j’ai organisé la rencontre entre les deux auteurs.


Oriza et Michel n’ont, à priori, pas grand chose en commun. Ils sont de cultures très différentes. Le japonais, 46 ans, a fait le tour du monde en bicyclette à l’âge de 17 ans, il perpétue la tradition paternelle en faisant vivre le petit théâtre Agora en plein coeur de Tokyo et défend ardemment un « théâtre en temps réel » avec sa compagnie Seinendan. Le français, 81 ans, a mené sa carrière d’auteur en parallèle de celle de grand patron, a révolutionné le théâtre académique en inventant une dramaturgie en morceaux et s’est consacré par la suite à une carrière universitaire.


Pourtant, très vite, il m’est apparu évident que ces deux-là étaient comme les faces d’une même pièce. L’air de rien, sans dénonciation frontale et sans didactisme, ils donnent tous deux à entendre la comédie humaine par le truchement du banal. La conversation, le quotidien constituent leurs matériaux de prédilection propres à déclencher le cocasse, l’inattendu. Ce que Vinaver nomme une « déflagration comique ».
Leurs écritures réciproques ont immédiatement exercé une véritable fascination de l’un pour l’autre et très vite une complicité entre nous trois est née. Il me semblait que je devais provoquer la rencontre des deux univers sur le plateau.


D’une bien curieuse anecdote à l’adaptation d’une pièce maîtresse
C’est en repensant à une anecdote que m’avait racontée Oriza que l’idée m’est venue.


En 1999, les japonais furent stupéfaits quand Renault fusionna avec Nissan : ce fut un traumatisme pour ce peuple, qui se vit comme étant le plus travailleur au monde, de voir ce symbole national passer sous la coupe des français supposés hédonistes et tire au flanc.


Je repensais alors à la pièce maîtresse de Vinaver où, dès 1973, il racontait avec Par-dessus bord comment une entreprise familiale française produisant du papier toilette, sûre de la qualité de son produit et de la tradition de sa fabrication, se faisait emporter dans les méandres du nouveau capitalisme par une multinationale américaine.


J’ai donc demandé à Oriza de réécrire cette pièce aujourd’hui, dans le contexte de la mondialisation tel que nous le vivons au quotidien, pour en faire une comédie qui s’appuierait sur l’aspect dantesque de la pièce originale.


L’ordinaire, ce serait alors celui d’une grande entreprise japonaise confrontée à une nouvelle compétition mondiale à travers la vie de ses salariés et de ses cadres dirigeants, des bouleversements culturels qu’ils doivent surmonter pour faire face à une nouvelle concurrence française, et de la nécessaire adaptation de l’entreprise qui devra jeter par-dessus bord une partie de ses membres.


La métaphore du recyclage capitaliste via le papier toilette et l’excrément était aussi une formidable source d’inspiration : au Japon, on n’utilise que très peu le papier toilette, et il existe donc depuis belle lurette, une grande société japonaise, Toto, qui a installé chez les particuliers et dans les lieux publics des sièges toilettes automatisés avec des jets d’eau réglables et des sécheurs incorporés !


Les premiers principes de l’adaptation
En réunissant Michel et Oriza, les premiers principes d’adaptation s’imposaient rapidement : nous allions partir de çà, de cette société Toto et des nouveaux défis que lui impose la concurrence étrangère. 1969 ferait place à 2008, le papier toilette au siège WC high-tech, les français aux japonais, les américains aux français : un vrai jeu de chaises musicales où tous les sens seraient sens dessus dessous.
L’idée d’une nouvelle version de Par-dessus bord a tout de suite séduit Michel car dès son origine, la pièce était une sorte de projet impossible, un défi de metteur en scène pour raconter l’épopée du capitalisme moderne : plus de 7 heures de spectacle, une foule de personnages, des lieux multiples et un temps morcelé. Une véritable partition symphonique pour acteurs en délire dont l’auteur lui-même avait remodelé quatre versions différentes.
Il était donc clair, que notre adaptation nippone devait conserver toute la folie et toute l’essence comique du matériau original tout en le resserrant à un spectacle de deux heures afin qu’il puisse rencontrer un large public au Japon et en France.


Faire la peinture d’un capitalisme en perpétuelle évolution
Le capitalisme est en cela fascinant qu’il s’adapte constamment, se renouvelle perpétuellement, s’accommode de toutes sortes de régime politique. La Chine en est l’exemple le plus troublant évidemment. Cette fascination traverse toute l’oeuvre de Michel Vinaver.


Aujourd’hui, nous sentons bien à quel point nous sommes au coeur d’une nouvelle révolution : celle de l’ère numérique et de la dématérialisation de l’argent où tout semble étonnamment possible. Deux jeunes étudiants de Berkeley qui bâtissent un empire en moins de cinq ans (Google), un trader d’une grande banque qui perd cinq milliards d’euros en une journée (Société Générale), une crise boursière dont on ne sait pas comment elle va finir, mais qui transforme déjà les politiques les plus libéraux en ardant défenseurs du rôle de l’Etat…


Alors, oui, pas de doute, il y a bien là un sujet où toute la finesse de l’humour d’Oriza Hirata peut se déployer et rejoindre la pièce la plus folle d’un de nos auteurs les plus atypiques tant par son parcours, que par sa dramaturgie.

Arnaud Meunier

26 septembre 2008

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