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Reporters de guerre

Sébastien Foucault ( Mise en scène )


: Note d’intention

« J’ai toujours voulu raconter des histoires, mais aucune qualité ne me prédisposait à devenir artiste. Aujourd’hui, ce qui me donne la force de monter sur scène, de mettre en scène, et d’aborder des sujets aussi vertigineux que le génocide au Rwanda, le djihadisme, le conflit israélo-palestinien, la guerre en ex-Yougoslavie ou un crime homophobe, c’est la qualité des enquêtes de terrain que nous menons mes compagnon(.ne)s et moi, et la recherche angoissante, toujours fuyante, mais nécessaire, de l’endroit à partir duquel je me sens autorisé à raconter ces histoires – ma propre légitimité, ma propre singularité. »


« Dans le théâtre documentaire que je pratique, il ne s’agit pas d’utiliser les ressources de l’art en général, et du théâtre en particulier, pour décrire la réalité, comme les journalistes le font avec les ressources du journalisme. Il s’agit de dessiner des cadres à l’intérieur de la réalité pour en faire des objets artistiques, des « symboles pragmatiques »[1].


A l’origine du projet Reporters de guerre, un questionnement éthique et esthétique issu de mon travail artistique ces dix dernières années : Pourquoi, et comment, représenter la douleur de l’autre ? Pourquoi, et comment, décrire la violence ? Pourquoi et comment, invoquer des mémoires meurtries ? On accuse souvent les reporters de guerre de s’approprier la douleur des autres (Susan Sontag), de l’esthétiser, de l’utiliser pour provoquer la polémique, pour « tirer les larmes » et créer l’illusion d’un consensus, ou simplement parce que c’est vendeur. Pourtant, quelles que soient leurs motivations, qu’il s’agisse d’aventuriers en quête de sensations fortes, d’idéalistes défendant une cause ou de simples journalistes arrivés là presque par hasard, ils/elles travaillent à leur manière contre l’indifférence et l’oubli, contre l’effacement. L’effacement des évènements, des traces, des âmes, d’une bibliothèque, d’une culture, d’une ville, dans son entièreté.


Mais quand une guerre est terminée, une autre la remplace très vite. L’économie de l’attention force les journalistes à se focaliser sur de nouvelles crises. Et au bout d’un certain temps, seuls quelques irréductibles et les proches des victimes continuent à lutter contre l’oubli. Parce que l’oubli rend la perte encore plus cruelle, parce qu’il retire tout sens à l’existence.


Au début des années 90, des centaines de journalistes sont venus du monde entier pour couvrir les guerres de Croatie et de Bosnie. Des milliers de reportages ont été produits. On cherchait à comprendre ce qui, soudainement, opposait des gens qui pendant longtemps avaient partagé le même espace géographique, culturel et social. Le monde entier avait les yeux tournés vers ces conflits meurtriers qui se déroulaient au cœur d’une Europe qu’on croyait vaccinée contre la guerre. Et pourtant, 25 ans après, que nous reste-t-il, à nous spectateurs, de ces guerres ? Presque rien. De vagues clichés. Des poussières.

Notes

[1] Sébastien Foucault, extrait de lettre adressée aux participants d’une masterclass à l’Université de Liège, en tant qu’artiste invité de l’ULG, février 2019

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