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: Note d'intention

Dans mes créations, l’enfant tient une place importante. Adishatz/Adieu, Saga et A nous deux maintenant font toutes, directement ou indirectement, référence à l’enfance. Les souvenirs d’enfance sont souvent moteurs dans mon processus d’écriture de dialogues ou de récits. Notamment dans Saga, pièce construite à partir de matériaux issus de la mémoire et qui met en scène les souvenirs personnels.


Cette figure de l’enfant aux multiples statuts - d’observateur, de témoin, d’acteur ou de fil conducteur de la fiction - révèle sous différentes formes la complexité du monde des adultes. En effet, mes pièces abordent des réflexions sur des sujets communs, comme par exemple l’identité, la sexualité, le rapport à la famille, aux racines et de manière générale ce qui constitue l’individu, d’où il vient et ce qu’il devient. L’enfant observe le monde des adultes et le considère comme une première référence, un exemple à suivre.


Ce sont ces notions d’apprentissage et de construction de soi qui me motivent à engager un travail destiné cette fois-ci au jeune public. Je désire mettre l’enfant au cœur d’une proposition dans laquelle je travaillerai à créer de l’empathie pour un jeune héros qui fait face aux épreuves parfois rudes que lui impose la vie, et qui sort grandi de ses expériences, qu’elles soient positives ou négatives. Ce personnage, secoué par de multiples émotions, est confronté à des situations parfois extrêmes, mais jamais il ne baisse les bras ; au contraire, il fait de son malheur une force et malgré son jeune âge apprend vite à se débrouiller et à s’en sortir.


En 1990, j’ai découvert à la télévision l’adaptation manga Rémi sans famille dont j’ignorais l’auteur et qui me fascinait. Suivre chaque soir de la semaine les aventures de ce jeune garçon m’excitait au plus haut point. J’ai donc acheté le roman d’Hector Malot.


L’œuvre aborde le thème de l’enfance et de la quête d’identité à travers une initiation qui se traduit par un voyage aux multiples rencontres. Un voyage qui révèle l’attachement à l’acte artistique, présenté comme un gagne-pain, un moyen de survie à la fatalité qui pèse sur le personnage de Rémi. Au début du roman, cet enfant héros repoussé par son père adoptif est confié, moyennant de l’argent, à un bonimenteur et sa troupe (des chiens et un singe), qui vont l’éduquer et l’initier à l’art du spectacle. Il parcourt ainsi la France de ville en ville avec cette singulière deuxième famille, dans l’espoir de se construire un autre avenir. L’enfant est ici, à l’inverse de Pinocchio, dans un rapport presque direct, réel, et authentique au monde, aux épreuves que lui inflige cette nouvelle vie de saltimbanque. La vie qui est ici clairement un terrain d’apprentissage et de réflexion pour le jeune enfant et dont l’objectif, est de continuer d’avancer bon gré mal gré en travaillant à devenir, non sans difficulté, indépendant.


Le roman, écrit à la première personne, endosse le statut d’un récit en apparence autobiographique, puisqu’on découvre que son auteur n’est nul autre que Rémi. Un Rémi devenu adulte qui nous fait part de cette histoire de vie singulière, celle d’un enfant adopté, vagabond, en quête de vérités.


Je souhaite créer deux épisodes, adaptés du roman, qui mettront en scène les différentes étapes de ce voyage initiatique. La matière du roman est conséquente, et je veux garder une certaine cohérence quant à l’histoire du personnage de Rémi et à sa manière d’évoluer, de se transformer. Cela nécessite de l’adapter en privilégiant les parties de dialogues mais aussi la narration, qui aide à développer dans le détail les descriptions ou les états d’âme des personnages du récit. La présence vocale ou physique d’un narrateur, comme par exemple le personnage de Rémi adulte, n’est pas exclue.


Je fais le choix de travailler l’espace théâtral dans son état brut. En l’absence de scénographie, ce sont les interprètes qui fabriqueront l’espace de la fiction, tandis qu’un système son immersif permettra de travailler des scènes hors-champ.


À la manière de mes précédentes pièces, les interprètes seront en capacité d’endosser plusieurs rôles et identités. Pour créer une multitude de personnages avec un petit nombre d’acteurs, je souhaite travailler sur les techniques du masque et ainsi m’appuyer sur leur force esthétique.


Le masque nécessite en effet un jeu précis. Il permet à l’interprète de travailler dans le détail, et de donner corps et voix à des personnages fantastiques. C’est cette métamorphose, cette incarnation totale, presque issue du rite et de la possession qui m’intéresse ici. Le personnage masqué peut évoquer le divin, comme le sacrifice, il impressionne, amuse, inquiète et amène de l’étrange, de l’irréel dans la représentation.


Cette idée du rituel sera également incarnée par le personnage de Vitalis, le bonimenteur chef de troupe. Dans le roman, cet homme au passé énigmatique est un nomade qui a une connaissance précise du voyage et des territoires. Lorsqu’il est en représentation, il maîtrise l’art de la parole et de la musique comme personne, il en impose lorsqu’il harangue la foule. Il est aussi une sorte de père, de guide spirituel pour Rémi. Il lui enseigne les bases élémentaires de l’éducation, il est une des réponses aux questionnements de l’enfant sur son rapport au monde et sur son fonctionnement.

Jonathan Capdevielle

septembre 2018

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