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Pour autrui

+ d'infos sur le texte de Pauline Bureau
mise en scène Pauline Bureau

: La fragilité du vivant

Entretien avec Pauline Bureau

Quelle est l’histoire de Pour autrui ?


L’histoire débute comme une comédie romantique. Une femme rencontre un homme. Ils ont un coup de foudre et l’envie d’avoir un enfant mais tout ne se passe pas comme ils l’avaient prévu. Ils vont vivre des montagnes russes émotionnelles et tracer un chemin singulier pour fonder leur famille. J’avais envie de raconter la façon dont la vie ne vous conduit pas toujours là où vous l’aviez imaginé, la violence des situations auxquelles on peut être confronté et la beauté de certains moments.


Il y a des éléments très personnels dans ce spectacle ?


Oui en effet, disséminés un peu partout, et parfois même sans que je m’en aperçoive. J’ai deux enfants et je me suis souvent dit durant mes grossesses que l’on racontait peu ces moments suspendus où l’on est deux dans un corps. J’avais envie de prendre le temps de suivre ces neuf mois sur le plateau, de parler de l’attente aussi, de l’enfant avec qui l’on vit bien avant qu’il naisse. Ici, ce n’est pas la même femme qui porte et attend le bébé. Et puis il y a d’autres éléments pour lesquels je me suis inspirée, entre autres, de mon histoire personnelle. La fausse couche ou le cancer sont des épreuves que j’ai traversées ces dernières années. J’ai pu ressentir intimement le lien entre la vie et la mort, la fragilité du vivant, et j’ai eu envie de parler, concrètement, de l’émotion, de l’hôpital, cet endroit incroyable où la vie arrive et où la mort rôde, de ces moments où la vie tremble. Cela reste des événements tabous encore aujourd’hui, d’autant plus durs à affronter que l’on croit que l’on est seul, puisqu’il est rare qu’on en parle.


Est-ce un projet récent ?


J’avais depuis longtemps l’idée de faire un spectacle sur la gestation pour autrui, qui me semble l’un des territoires d’inégalités puissantes qui existe aujourd’hui dans notre pays. Puis j’ai été percutée par le réel et sais très bien depuis lors les limites d’un corps. À l’hôpital j’ai fait des rencontres avec des femmes qui m’ont raconté leur histoire et ont donné de la chair à ce projet de création. Puis j’ai mené le même type de travail documentaire que pour mes précédents spectacles : j’ai rencontré des femmes qui avaient eu recours à la GPA ou qui avaient porté un enfant pour une autre personne, des experts, une avocate spécialisée, la sociologue Irène Théry. En m’appuyant sur ces récits de vie et sur mon histoire personnelle, j’ai tissé ce spectacle malgré les thèmes parfois difficiles qu’il aborde, j’avais envie que ce soit un spectacle qui aille vers la lumière et vers la joie.


Ce spectacle raconte l’histoire d’une gestation pour autrui. S’agit-il d’un plaidoyer ?


Ce n’est pas un spectacle théorique ou documentaire sur la GPA. Dans la société aujourd’hui, il me semble que l’on parle beaucoup de GPA mais que l’on ne la raconte pas. En France, il y a encore peu de récits, mis à part quelques témoignages très inspirants. L’histoire ici est celle d’une femme en France, ne pouvant enfanter pour des raisons médicales qui rencontre une femme aux États-Unis et qui portera son enfant. Dans ce récit ce qu’il m’importe de traverser ce sont leurs parcours individuels, leur trajectoire singulière, dans ses dimensions spirituelle, poétique et politique. Il ne s’agit pas d’expliquer ce qui est bien ou mal ou d’exposer des opinions diverses. Parce que la vie m’a appris que l’on peut avoir un avis, être confronté à certains événements et en changer ! La vie nous rappelle parfois à l’ordre, somme toute, nous décidons de certaines choses mais certainement pas de tout. Les cartes nous sont distribuées et nous jouons la partie. Et dans ce jeu, la violence, la fragilité, le merveilleux et le dégueulasse se côtoient. Chacun navigue comme il peut. Je souhaitais également interroger les notions de filiation et de famille, dont la définition a beaucoup évolué depuis les années 1980, sans que la loi évolue au même rythme. Je vois bien autour de moi une variété de façons d’être parents aussi bien que de modèles familiaux possibles, et à l’intérieur de ces familles, autant de façons différentes de créer du lien, que ce soit avec des beaux-parents, des parrains, marraines, bref une multiplicité de personnes qui sont autant de soutiens pour les enfants. Parler de ce que représente fonder une famille aujourd’hui, dans toute cette diversité, est me semble-t-il une manière de raconter quelque chose de notre monde. Enfin, j’ai su très vite que je voulais que le spectacle s’achève avec la parole de l’enfant, tout le récit conduisant à elle, cette enfant qui est née avec cette histoire, mais que l’on ne peut résumer aux seules conditions de sa naissance.

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