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Paranoid Paul (You stupid little dreamer)

+ d'infos sur le texte de Simon Diard
mise en scène Luc Cerutti

: Note d'intention de Simon Diard

Comme plusieurs de mes textes, Paranoid Paul s’organise autour d’un vide, d’un manque. Ce point aveugle, situé au centre de la pièce, est la surface de projection nécessaire au déploiement des récits et des fantasmes des autres personnages. Dans La Fusillade sur une plage d’Allemagne, il s’agissait d’une fosse creusée dans la terre. Ici, le grand absent, qui plane sur la pièce depuis son titre, se manifeste directement dans le corps et les voix, à travers une sorte de rituel où il s’agit d’incarner Paul. Comme des marionnettistes, les personnages s’emparent de lui et lui façonnent une apparence, une voix composite. Ils prennent possession de ce garçon dont le spectateur ne sait rien, qu’il n’a jamais vu. Et en le détruisant de l’intérieur, dans un processus qui s’apparente à un geste d’autodestruction finalement, ils nous en disent autant sur leurs propres obsessions et hantises que sur l’image qu’ils se font, ou veulent se faire, de lui.


Au point qu’à un stade de la pièce, on peut se poser la question de savoir qui est possédé par qui.


À propos de ce rituel de destruction par la parole et l’imaginaire, acte de violence dont les membres du groupe n’ont pas la même conscience, phénomène de défoulement collectif supposé bénin puisqu’il s’exerce en l’absence de victime, je pense aux exécutions par contumace où sont anéantis en effigie des mannequins ayant la fonction de représenter la personne condamnée. La violence est-elle moins violente parce qu’elle s’exerce virtuellement ?


Ce que je trouve passionnant dans l’idée de faire jouer Gregg par un interprète plus âgé c’est qu’elle décline, sur un autre plan, ces notions de possession et de manipulation : le personnage face à nous est-il hanté par l’adolescent qu’il a été ? ou le fait-il revivre en même temps qu’il rejoue son histoire traumatique ? Gregg est le second centre de gravité de la pièce (à moins qu’il ne s’agisse d’un seul et même point de fuite puisque Gregg usurpe l’identité de Paul et en le jouant, en le chassant de la scène, paradoxalement, le place au centre) et cette idée de distribution, de mise en scène, en aucun cas suggérée dans la pièce, vient renforcer cette position dominante en faisant de Gregg, organiquement, une sorte de marionnettiste suprême : il est à la fois en surplomb et « pris » dans la fable et ses diverses temporalités. Le présent de la représentation récon- cilie ces points de vue en apparence contradictoires.


Ce qui me séduit également c’est que le trouble proviendra de l’intérieur, inscrit dans une progression, elle-même ancrée dans la perception du spectateur : Paranoid Paul cultive le doute, et la mise en scène s’engage à son tour sur cette voie avec ses moyens propres, sans illustrer, expliquer, redoubler artificiellement le texte...

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