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Lucrèce Borgia

+ d'infos sur le texte de Victor Hugo
mise en scène David Bobée

: Présentation

Après avoir abordé l'oeuvre de Shakespeare avec "Hamlet" en 2010 et "Roméo et Juliette" en 2012 aux Subsistances pour la Biennale de la Danse de Lyon puis la poésie d'Ovide avec la création des Métamorphoses au Gogol Center de Moscou, c'est aujourd'hui dans l'écriture de Victor Hugo, que j'entends me plonger. Il y a pour moi comme une filiation dans ces différentes oeuvres qui ont marqué l'histoire de la littérature. Des écritures bouillonnantes, empruntes de tragique, mouvantes, en transformation. Elles ont interrogé et fait avancer les codes de leurs époques préférant le mouvement aux canons trop figés. C'est dans ces écritures libres que j'aime m'engouffrer avec les outils qui sont les miens, ceux de mon époque, ceux que j'ai affirmé tout au long de mes créations contemporaines : la pluridisciplinarité, le mélange de théâtre, de danse, de cirque, de vidéo, les nouvelles technologies, les lumières des scénographies et les distributions issues de la diversité intégrant des acteurs de différentes origines. Ces éléments constitutionnels de mon théâtre, je les mets aujourd'hui au service de ces grands textes, de leurs enjeux littéraires et du jeu d'acteur. J'entends servir ces textes "monuments" avec un savoir faire du XXIeme siècle afin de leur rendre la grande popularité, la grande accessibilité qui étaient leurs en leur temps. Shakespeare réalisait un théâtre populaire, on écrivait des citations d'Ovide sur les murs des cités, Hugo, auteur du peuple par excellence, a créé avec "Lucrèce Borgia", son plus grand succès théâtral, non pas à la Comédie Française pour l'élite mais au Théâtre de la porte St. Martin pour le peuple.


Il a rédigé cette pièce rapidement, passionnément, poussé par la mauvaise réception des représentations du Roi s'amuse au Français, en réaction face à la censure qu'il venait de subir. Le Roi s'amuse montrait la monstruosité d'un homme du peuple sauvé par la paternité en s'opposant à la vulgarité des princes de France ; "Lucrèce Borgia" dévoile la monstruosité morale de l'aristocratie en cette figure de femme sanguinaire pure produit des vices de son époque, sauvée par le fait d'être aussi une mère.


Le texte d'Hugo est passionnant par la virtuosité de la langue qui s'y déploie, par les figures monstrueuses qu'il décrit : Lucrèce mais aussi son époux, son tueur de serviteur, le groupe de jeunes gens décadents et même Gennaro, héros positif qui finira monstre lui même, empoisonné par l'atavisme dont il est la victime. Belle galerie de portraits, galerie de monstres.


L'histoire qui se raconte dans cette oeuvre est une grande histoire, elle retrace les frasques de la famille Borgia (en partie fantasmée par Hugo) et ce, de manière romanesque en s'inspirant de la liberté du drame shakespearien et des passions des tragédies antiques. C'est une histoire puissante, apte à fédérer un large public captivé par la maitrise incontestable d'Hugo pour la narration.


L'histoire est celle d'une mère, femme monstre, dévorante en quête de rédemption dans l'amour qu'elle porte à son fils qui, lui, ignore sa filiation et qui tout au long du récit ne peut nommer celle qu'il déteste plus que tout, Lucrèce Borgia. Elle, qui est pourtant celle qu'il ne peut qu'aimer : sa mère.


Lorsque celle-ci finira par se dévoiler afin de sauver son fils, il la tuera se révélant ainsi fils héritier d'un nom et de la monstruosité qui l'accompagne.


Un texte foisonnant de situations sublimes et de tableaux visuellement captivants. Le carnaval de l'ouverture, la scène d'humiliation publique de la femme-bête à la fin de l'acte I, le duel de monstres entre Lucrèce et son époux, l'inscription BORGIA sur la façade de la demeure qui une fois mutilée de sa première lettre fait résonner l'insulte ORGIA faite à la maitresse des lieux, le banquet du dernier acte où les jeunes gens s'enivrent de vin, de sexe et de violence, jusqu'au dénouement du piège final qui fait apparaître les 5 cercueils des jeunes hommes condamnés par le poison des Borgias ou le double meurtre de Gennaro et de sa mère.


La création de "Lucrèce Borgia" est prévue pour l'été 2014 au Château de Grignan. Cette perspective est magnifique par le cadre incroyable des représentations : en plein air, devant la façade XXVIIIème du château, écrin sublime pour cette grande oeuvre, demeure qui deviendra celle des Borgias, le temps d'un été. C'est sans doute ce lieu et ce qu'il implique qui me font me diriger avec joie vers ce texte de Victor Hugo. Ce lieu appelle l'ampleur et le faste d'un tel texte qui se jouera à la tombée du jour et s'achèvera sous les étoiles.


Le public est très nombreux à voir les créations qui se succèdent été après été à Grignan. Cette proposition me permettra de rencontrer un public large, passionnant par sa particularité, il assistera aux représentations étant autant attiré pour des raisons culturelles que touristiques. Ceci me permettra de toucher des personnes que je ne peux que plus difficilement toucher en salle au fil des saisons théâtrales. Il convient de lui offrir ce qu'il est venu chercher : une belle soirée d'été et la rencontre d'une oeuvre forte et accessible dans une langue passionnée qui élève les consciences.


Je considère que c'est pour et par ce lieu que je dois créer cette pièce. Ce type de cadre implique de le servir, il en est de même avec d'autres lieux que j'ai pu croiser dans mon parcours artistique comme la cour d'honneur du Palais des Papes d'Avignon ou dans un autre genre le Théâtre du Peuple de Bussang. Il ne faut pas lutter contre mais au contraire se laisser influencer par de tels endroits et leur permettre d'oeuvrer, d'imprégner le processus créatif. Lors de reprises en salles, c'est un peu de la magie de ces lieux qui se redistribuera à d'autres publics en nous accompagnant en tournée.


C'est pourquoi, outre le choix du texte, les directions scénographiques naîtront de ce contexte de création.


Ainsi, je souhaite réaliser un sol d'eau recouvrant l'entièreté de la scène dès l'ouverture du spectacle. Ce sol vif reflètera la beauté architecturale de la façade de Grignan, tout en inversion, en double, en miroir. Un espace parfait pour cette galerie de monstres qui n'osent jamais se regarder en face, dans un miroir, ni même prononcer leur propre nom. Les réflexions, jeux de lumières, vibrations et miroitements, les effets d'eaux projetées se mêlant aux projections vidéo donneront à cette création une puissance visuelle apte à porter cette tragédie.


Tout naîtra de la déclinaison de cet élément : l'ouverture de l'oeuvre a lieu à Venise lors du carnaval, une fête, un bal. Je souhaite réaliser des pontons de bois, entourés de piques et de mâts caractéristiques des rues de Venise qui viendront architecturer l'espace, contraignant les circulations. Déplaçés, ils pourront, une fois rejoints, créer une scène ou des plateaux flottants sur lesquels jouer les drames de Ferrare. Alignés, ils formeront la table de joie du banquet final et meurtrier.


Nous jouerons également dans l'eau et avec elle. Je ne souhaite pas entrer dans un traitement réaliste de l'histoire mais bien plus métaphorique, onirique et peut être même mythologique au sens psychanalytique de ces figures de montres, de mères carnivores, de fils assassins, de jeunes aux pulsions de sexe et de meurtres, de tueurs tapis dans l'ombre, de messagers du mal. Le carnaval ne sera pas accompagné de masques vénitiens, de gondoles et autres décorum, nous n'en conserverons que l'aspect festif : des jeunes gens acteurs et acrobates jouant dans l'eau, un soir d'été sous une vanne d'eau ouverte. Tout dans ce spectacle aura un caractère flottant comme dans un rêve pour paraphraser Shakespeare ou Cervantes. Les meurtres jouiront de ce supplément de violence qu'amènent les combats dans l'eau, les projections, les noyades, la terreur de corps qui flottent comme flottait le corps du père de Gennaro. Et la beauté du calme qui regagne la surface ondulante après l'action.


Nous pensons avec les équipes de constructions de la compagnie à la reprise en salle. Il ne s'agira pas de chercher à retrouver l'architecture particulière du château, sous peine de tomber dans un décor de carton pâte. Mais plutôt de décliner une architecture mobile qui naît du plateau, de ce sol d'eau, de ces éléments mouvant que sont ces pontons en créant une façade de bois, comme une palissade qui, se couchant sur scène, pourrait former une autre scène flottante sur la quelle jouer le texte.


Un mois de répétition aura lieu en salle afin de préparer cette création suivit d'un mois in-situ en résidence à Grignan. Puis deux mois de représentation (entre 45 et 50 dates) durant tout l'été. À la rentrée, nous retravaillerons une version "en salle" afin de ne rien perdre de cette création extérieure en re-créant pour la salle et pour le public de théâtre.


Mon idée pour conclure est de proposer une oeuvre populaire à la puissance littéraire indéniable, servie par de grands acteurs de théâtres capables de porter une telle langue (surtout en extérieur) et accompagnés pour les rôles plus périphérique des danseurs et des acrobates dont les présences et les apports artistiques marquent la singularité du théâtre que je défends : un théâtre généreux, ouvert sur les autres disciplines spectaculaires, ouvert sur le monde et sa diversité de langues, d'accents, de cultures, d'origines, de pratiques. Un théâtre populaire au sens le plus noble du terme apte à toucher le public dans sa propre diversité, capable d'offrir différentes strates de lecture pour le spectateur le plus exigent comme le plus néophyte. Offrir un moment de théâtre en grand format porté par une large distribution et une esthétique forte.


"Lucrèce Borgia", à Grignan, cadre magnifique pour cette histoire spectaculaire, pour ce portrait de femme seule dans un monde d'homme, que l'on découvre impitoyable, monstre sanguinaire, une bête que l'on ne peut abattre, figure du pouvoir machiavélique mais qui se détruira d'elle-même par le peu qui lui reste de son humanité : son fils.

David Bobée

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