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Les Gros patinent bien, cabaret de carton


: Entretien avec Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois

Propos recueillis par Pierre Notte

Vous souvenez-vous quand, et comment, vous est venue l’idée du cabaret de carton ?


Olivier Martin-Salvan : Depuis 15 ans, avec Pierre, nous partons d’une frustration du spectacle précédent etcette fois-ci, nous voulions partir d’un théâtre pauvre, et qui ne tienne que sur l’acteur et notre duo : notre inventivité, notre complémentarité et surtout, l’énormité de nos différences physiques !


Pierre Guillois : Je dois immédiatement contredire Olivier... Au départ, il était question qu’une importante production se développe autour de notre projet. Autour de notre duo certes, mais un spectacle riche avec de nombreux décors. Et puis, soudain, il n’y avait plus d’argent. Ça arrive. Or, nous avions rêvé d’un spectacle qui utiliserait la mécanique théâtrale, un orchestre peut-être... Nous avions envie de jouer avec des régisseurs, des machinistes qui œuvreraient sur un grand spectacle, avec beaucoup d’effets, peut-être pour rendre hommage aux techniciens et techniciennes de Bigre d’ailleurs.


Faute d’argent, vous avez trouvé des cartons...


Pierre Guillois : Devant l’absence soudaine de moyens, nous avons d’abord cherché à récupérer d’anciens décors. Et puis nous nous sommes mis à écrire sur des cartons : « rocher », « arbre », « ruisseau », « fjord »... etc. Finalement, nous nous sommes dit que c’était plus pratique et moins onéreux de continuer ainsi... Et surtout qu’on pourrait entreprendre un spectacle avec mille et un décors !


Le sujet de la pièce, qu’est-ce que c’est ? L’accomplissement de soi ? Le voyage initiatique ? La recherche de l’amour ? La fuite en avant ?


Olivier Martin-Salvan : La recherche désespérée de l’ailleurs et de l’autre, mais en carton...


Le Cabaret de carton, c’est la forme... Mais le fond ? Qu’est-ce qu’on trouve au fond du carton ?


Pierre Guillois : Au fond, il y a en effet la trivialité de cette matière. Pratique, pas belle, fragile et solide à la fois. Au fond, il y a un théâtre qui a besoin de retourner à la source, au maigre filet d’eau pour se réinventer.
Un théâtre qui réinterroge une certaine naïveté, ses vertus, son efficacité et ce qu’elle peut avoir de salutaire à notre époque.


Pour les acteurs que vous êtes, est-ce que cela finit bien ? Ou non ? Sortez-vous grandi de cette épreuve ?


Olivier Martin-Salvan : Le théâtre Élisabéthain en ressort humilié... Mais le cabaret de carton retrouve un nouveau souffle !


Pierre Guillois : J’aime bien que les voyages initiatiques ne servent à rien. J’aime l’idée que dans la vie on n’apprend finalement pas grand-chose. On emmagasine des savoirs et des expériences, mais on reste avec nos fragilités d’enfant, nos limites, nos peurs... C’est le cas du personnage joué par Olivier. Comme bien des touristes, il pourrait faire 20 fois le tour de monde, il n’en retirerait rien.


Comment s’est écrit Le Cabaret de carton ? Par improvisations ?


Pierre Guillois : Pas du tout. En fait, nous n’avons pas vraiment répété. Nous avons travaillé sur le parcours précis de nos cartons, nous avons décidé des logiques de jeu pour nos deux personnages. Nous avons consacré toutes nos répétitions à découper des cartons et écrire au feutre dessus, au fur et à mesure que nous venaient nos idées. En fait, nous avons improvisé en public lors de notre première représentation, à partir d’un scénario très précis. Le travail a donc réellement débuté à partir du moment où nous avons commencé à jouer.


Olivier, vous êtes co-auteur du spectacle ? Avez-vous écrit une trame ? Qui a fait quoi ?


Olivier Martin-Salvan : Comme l’a dit Pierre, on était comme des ronds de flan dans une salle de répétition à ne pas savoir quoi faire... Puis on a repensé à notre biopic Demis Roussos qu’on a, de nouveau, rangé dans les rêves au grenier...
Et tout à coup : cette matière marronnasse nous a appelé dans le coin de la salle de répétition ! Et on s’est mis à improviser des situations épiques avec un gros acteur assis et immobile, et un maigre qui fait tout avec des panneaux de cartons.


Pierre, dans Grand fracas issu de rien ou Cabaret Spectral, comme dans Le Gros, la Vache et le Mainate, dans Bigre, vous jouiez avec les genres, music-hall, cabaret, boulevard, comédie musicale... Ici, s’agit-il d’un nouvel exercice de style ? Le « Cartonné » ?


Pierre Guillois : Le théâtre de tréteaux. Et d’écriteaux ! Le duo de clowns, sans nez... Ce cabaret de carton nous place surtout en position de fragilité. Olivier n’a, pour se rattraper, que sa virtuosité, et lorsque je me perds dans mes cartons, c’est à lui d’occuper la scène, seul sur son tabouret, avec pour seule munition, un borborygme incompréhensible. Quant à moi, je n’ai qu’un maillot de bain et quelques bouts de cartons pour faire exister une épopée fantastique...


Dans Bigre les rôles étaient muets de bout en bout, mais avec tous les bruits du monde, organiques et matériels... Ici, il y a des mots... Des langues du monde entier et d’aucun monde... Mais c’est quel monde ? Quelle langue ?


Olivier Martin-Salvan : Je me dis, ça n’engage que moi, que c’est un acteur qui profère un monologue écossais littéraire, peu connu, du 15ème siècle, retrouvé dans une taverne de l’île de Skye, près du loch Dubhar-sgoth, en face de Trotternish Ridge, tout près de Balnaknock...


Pierre Guillois : En tout cas, tout comme Bigre, c’est un spectacle qui peut traverser les frontières et c’est bien ce que nous avons l’intention de mettre en œuvre, dès qu’elles seront à nouveau ouvertes !

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