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Le Tartuffe ou l'Hypocrite

+ d'infos sur le texte de  Molière
mise en scène Matthieu Roy

: Présentation

Tartuffe est sans aucun doute la pièce de Molière la plus engagée politiquement. L’œuvre que nous connaissons n’est pourtant pas celle qu’il écrivit à l’origine, celle de la première nécessité de l’écriture.
Cette œuvre, la première version de Tartuffe intitulée Tartuffe ou l’Hypocrite fut interdite après quelques représentations seulement sous la pression de l’Église, malgré la protection du Roi dont bénéficiait à l’époque son auteur et qui avait apparemment apprécié la pièce. L’emprise ecclésiastique était d’une telle puissance que même la royauté n’osait trop s’y confronter. La paix sociale avait un prix, celle de l’œuvre de Molière.
En effet, cette institution ne souffrait alors d’aucune critique, aucune remise en question. Pire encore, alors que la pièce fut lue à plusieurs reprises dans des différents salons, cette première version du Tartuffe a disparu. Il est incroyable de penser ceci, mais il faut pourtant se rendre à l’évidence : une pièce de Molière, alors comédien du roi, a été perdue.
Effet d’un simple hasard, d’une méconnaissance du travail d’archivage au moment de sa mort, où est-ce une toute autre volonté qui était à l’œuvre ? Cette pièce avait été interdite par l’Église autant qu’elle disparaisse pour de bon et que ne passe à la postérité uniquement la version policée en 5 actes qui fut le plus grand succès de Molière.


Mais alors qu’est-ce qui dans cette comédie dérangea autant ?


Molière dépeint une famille bourgeoise catholique dont le chef de famille, Orgon, décide de recueillir dans son foyer un dévot, Tartuffe. Les dévots – qui n’étaient pas des prêtres mais des saints hommes - avaient pour mission de conduire l’âme de leur «dirigé» au salut. La présence de Tartuffe au sein du foyer et son influence sur le maître de maison va bouleverser l’équilibre familiale. Malgré sa dévotion, cet homme soupire pour Elmire, la seconde femme d’Orgon. Cet homme pris en étau entre sa position et sa tentation va sombrer avec un cynisme certain dans l’hypocrisie.
La femme, le fils, le frère et la suivante vont tous tenter de faire entendre raison au «dirigé» Orgon, que son directeur de conscience est un hypocrite qui se joue de lui.
Or, ressort comique et tragique à la fois, chaque scène qui tend à confondre Tartuffe se retourne contre son investigateur. Ainsi Damis, le fils d’Orgon, témoin des aveux coupables de Tartuffe pour sa belle-mère, tente de révéler la duperie de cet hypocrite à son père. Mais, cette tentative mène aux prémisses de la catastrophe : Orgon n’hésite pas à déshériter son propre fils léguant à Tartuffe l’ensemble de ses biens. Tartuffe sort dans un premier temps vainqueur de son entreprise de sape familiale en prenant possession de la «Maison» au sens propre du terme.
Cependant dans la version en 5 actes, Tartuffe finira perdant grâce à l’intervention du roi, la fameuse arrivée de «l’Exempt». La fille, personnage ajoutée dans la version longue, épouse alors son amant et la famille retrouve sa maison. Tout est bien qui finit bien.


Pourtant, nous sommes nombreux à trouver insupportable ce dernier acte de Tartuffe, dont le niveau d’écriture et de dramaturgie est bien en deçà du reste de cette pièce qui est sans conteste un des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature française. L’arrivée de l’Exempt a causé des nuits blanches à bien des metteurs en scène…


Une curiosité terrible nous étreint alors autour de cette version en 3 actes - tel le texte d’Aristote perdu sur la Comédie : Comment était-elle construite ? Comment s’achevait-elle ? Quel parcours était emprunté par les différents protagonistes ? Avec quoi Molière laissait son spectateur ?
Georges Forestier, grand spécialiste de Molière, s’est attelé à cette tache de retrouver sous la pièce en 5 actes les traces de l’œuvre originelle. De définir les différents remaniements effectués par l’auteur, de les déconstruire pour retrouver la fulgurance de la fable et la figure première de ce dévot. Accompagner d’un scrupuleux travail scientifique qui recoupe les nombreux articles de presse et billets autour de cette première version ainsi que ces connaissances des différentes étapes de l’œuvre de Molière liées à la royauté et la société dans laquelle il évolue, Georges Forestier propose une reconstitution de cette pièce.


Quelle œuvre émerge alors de ce travail ?
De cette approche quasi-archéologique (trouver la toile originelle sur un repeint), il en ressort une pièce plus courte et plus intense débarrassée de nombreux de ces canevas de Commedia dell arte (notamment avec la disparition du motif du mariage forcée avec Marianne et Valère).
Tartuffe passe de l’imposteur à l’hypocrite : l’hypocrisie de ce véritable dévot qui succombe aux tentations de la chair face à la belle femme de son hôte. Et le dénouement ? Il en demeure incertain… Tartuffe est chassé mais la donation a eu lieu. Qui donc hérite de la maison ? Bien que Georges Forestier propose un dénouement autour du mariage de Damis (réconciliation entre le père et le fils), cette question reste entière. Il avance la théorie que l’acte de donation, resté dans les mains d’Orgon, était simplement déchiré à l’issue de la pièce. Mais était-ce si simple puisque dans la réécriture, Molière fait intervenir le roi pour régler la situation ? Cette fin incertaine nous en proposerons notre propre interprétation.


La saveur de cette comédie en trois actes se révèle alors tout autre et cette satire du directeur de conscience tombé dans le péché de la chair déplut fortement aux représentants de l’ordre séculaire. Son auteur dut inventer une autre fin à son histoire plus raisonnable, sans ambiguïté et qui fait triompher somme toute l’ordre moral. Dans l’acte V, l’organisation familiale bouleversée par Tartuffe se rétablit et cette «bouffonnerie» s’achève par un mariage heureux comme il est de coutume à cette époque, réduisant au second plan la critique d’un ordre religieux dont il peut être de bon ton de rire mais de ne surtout pas condamner.

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