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King Lear Syndrome ou les mal-élevés

+ d'infos sur le texte de Elsa Granat
mise en scène Elsa Granat

: Lettre ouverte sur l’actualité

À TOI LECTEUR,


King Lear Syndrome ou les Mal élevés, s’inscrit dans une continuité du spectacle Le Massacre du Printemps. En 2017, j’abordais avec cette création les rapports parents, enfants, soignants.


Je m’intéressais à l’état de vulnérabilité. Je souhaitais montrer une nouvelle façon de regarder les malades et les médecins, pour que tous avancent ensemble, non plus en affrontement de techniques et de savoirs, mais dans une conscience commune de leurs forces, de leurs échecs et de leurs limites. La connexion s’est faite naturellement vers une autre étape de vie, la vieillesse. La vieillesse de mes parents que je ne connaîtrai jamais. Peut-être, voilà le nerf de ma guerre, le besoin de m’entourer de vieux que je pourrais regarder vivre lentement et profondément, mal assurés dans leurs gestes, coupés des musculeux plein de vie qui s’organisent des vies suractives et passent les voir, le cœur en morceaux quand ils reprennent leur voiture. Quelque chose me touchait dans ces deux temps étanches l’un à l’autre, celui de ceux qui font la vie et celui de ceux qui l’ont faite. Et pour cela je voulais partir d’un vieux très célèbre, une icône de la vieillesse. Le Roi Lear s’est rapidement imposé.


Nous avons fait, en novembre 2018, avec les acteurs, 10 jours de résidence pour voir si les intuitions tenaient. Et nous avons pris un plaisir fou à mélanger dans un dialogue impossible. Lear parlant dans sa langue de Shakespeare et les « forces de l’âge », parlant comme aujourd’hui. Puis nous avons repris Le Massacre du Printemps en 2019 au Théâtre du Train Bleu. La pensée du spectacle est parvenue au public qui semblait prêt à entrer dans ces thèmes de vulnérabilité, de combat et de renaissance. Puis en 2020, nous créons avec Roxane Kasperski au Théâtre de la Tempête, V.I.T.R.I.O.L, qui remet en jeu les conceptions de la psychiatrie depuis les années 1970 jusqu’à nos jours.


Puis le 13 mars 2020, l’exploitation de V.I.T.R.I.O.L s’arrête. Un virus décime le monde moderne, les vieux en premier. Il s’attaque aux témoins de ces années 1970. Aux icônes, Christophe, Luis Sepúlveda, emportées car asphyxiées, comme des milliers d’anonymes mourants seuls chez eux ou en EHPAD.
Sidération. Rien ne tient, le système s’effondre. L’impression de retraverser en accéléré les cours d’histoires, les légendes des « colosses aux pieds d’argile » les gouvernements affairistes de 1939.
Consternation. Désœuvrement, mains ouvertes sur les cuisses.


On lit sur Facebook que William Shakespeare a profité du confinement de la peste pour écrire le Roi Lear. On sourit avec l’équipe de cet anachronisme ou de cette synchronicité, à voir dans quel sens le prendre. Alors je m’y mets, avec l’impression d’avoir fait un selfie avec William Shakespeare à cinq siècles d’intervalle.


Je me dis que quand nous sortirons de là, nous aurons besoin de rire beaucoup, de nous étreindre, nous ressentirons ce besoin, le crave de Sarah Kane, ce désir fou, ce manque viscéral, du charnel et de la beauté. Nous aurons besoin d’histoires communes et vivantes pour nous repenser et nous repanser. Toujours cette idée d’un nouveau récit collectif à construire.


En prenant pour appui cette citation du philosophe américain Waldo Emerson: « L’institution n’est jamais que l’ombre allongée d’un seul homme. ». Convoquons le plus grand : William Shakespeare. Convoquons nos forces créatives décuplées, nos inouïs, tout notre imaginaire pour créer le bon, le juste et le bel homme à l’ombre duquel placer nos institutions.

Elsa Granat

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