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Iliade

+ d'infos sur l'adaptation de Pauline Bayle ,
mise en scène Pauline Bayle

: Note d’intention

Une perspective sur la guerre


Adapter L'Iliade au théâtre c'est choisir de porter sur scène un chant de guerre et de sang. Un poème à la gloire de héros assoiffés de violence et de victoire, guidés par la fureur et la vengeance. Pourquoi choisir un tel texte aujourd'hui, alors qu'une bonne partie du monde occidental s'emploie à chercher des alternatives aux différentes formes d’affrontements physiques entre les hommes ? Désormais perçue comme barbare et archaïque, la guerre est aujourd'hui mise à distance afin d'en protéger les peuples. Cependant, cette évolution est très récente, l'émergence du pacifisme comme courant de pensée ne remontant qu'à l'aube du XXe siècle, et elle ne concerne qu'une petite partie de l'humanité.
Ainsi, pendant des millénaires, la guerre a constitué le prolongement naturel de l'être humain, une sorte d'issue, certes fatale, mais inévitable de l'existence. Et si elle a fait s'abattre un nombre incalculable de misères sur les populations depuis la nuit des temps, un grand nombre de valeurs positives lui ont néanmoins très tôt été associées, comme l'honneur ou le courage : De nombreuses civilisations portaient haut leurs héros, perçus comme les plus accomplis des hommes. Au-delà des lauriers, au-delà de la mort, la guerre leur offrait paradoxalement des moments de vie magnifiques et intenses, séduisants parce que sans équivalent dans le reste de leur vie.
Se plonger dans L'Iliade, c'est s'immerger dans l'essence même de la culture guerrière. C'est créer l'occasion de comprendre la figure du combattant et ce qui le pousse à braver la mort, même la plus cruelle, afin de devenir un héros. Car si on ne prend pas le temps de comprendre les principes fondamentaux de la guerre et ce qui l'a rendu attrayante au fil des siècles, comment peut-on la remettre en question ? Et si on croit en un théâtre humaniste, l'objectif ne serait-il pas qu'il refuse la complaisance et serve avant tout la connaissance de ses semblables et de soi-même ?


Un poème de chair et de sang


Éclairé par le thème de la guerre, le lyrisme de L’Iliade prend une couleur particulière. En effet, le corollaire de ce thème est l’omniprésence du corps au fil des vingt-quatre chants de l’Iliade, les combats mettant en exergue la douleur, la tension et la contrainte physique qu’elle inflige aux combattants. Par conséquent, il n’est pas ici question d’un lyrisme retranché dans les hautes sphères du coeur et de l’intellect, mais d’un « lyrisme organique » qui confronte systématiquement les émotions à leur incarnation sensible.
Nous sommes ainsi en présence d’un texte fermement ancré dans l’existence, au fil duquel des héros mettent tout en oeuvre afin d’échapper à leur condition de mortel tout en étant sans arrêt rattrapés par elle. Et si la plupart d’entre eux parviendront à faire vivre leur mémoire pour les siècles à venir, en revanche, tous seront brutalement ramenés à la réalité en faisant l’expérience de leur propre finitude.
Cet aspect de L’Iliade donne tout son sens à une adaptation sur un plateau et à son incarnation par des acteurs de chair et de sang.


Acteur, héros même combat


Parce que le théâtre demande un engagement total et absolu à ceux qui le font et parce qu’il repose avant tout sur la poésie, porter L’Iliade sur un plateau devient un acte évident. Cette approche met en parallèle la démarche de l’acteur et celle des héros d’Homère, l’un comme l’autre cherchant à échapper à leur condition de simples mortels.
L’acteur, c’est celui qui se met au service de quelque chose qui le dépasse. Qui « s’oublie » au profit d’une histoire et d’une langue. L’acteur aspire à une forme de transcendance pour s’accomplir. Durant tout le temps où il joue, il tente de repousser les limites de son corps, de sa voix, de ses sensations afin de donner à voir quelque chose de bien plus grand qui le précédait et qui lui survivra sans doute. Ce n’est certes qu’un jeu, qui plus est un jeu qui ne se prend pas au sérieux, mais qui ne peut être joué qu’à l’unique condition d’un engagement total et sans réserve. Un mouvement qui part de son intimité la plus secrète pour aller à la rencontre du monde à travers un art dont il a appris les codes et les principes.
Or, cette quête ressemble en tout point au chemin qu’empruntent les personnages de L’Iliade.
Eux aussi cherchent à échapper à ce qui voudrait les limiter. Comme le dit Hélène au chant VI : « Zeus nous a chargés d’une mauvaise part pour que plus tard, nous soyons chantés par les hommes qui viendront. »


Plusieurs voix pour un seul coeur


Face à l’ambition de ce projet, une seule solution : l’élan collectif. Bien avant qu’elle ne soit fixée par écrit, L’Iliade fut racontée à des générations d’homme. Cet aspect fait de L’Iliade un texte oral à part entière, un chant destiné à être partagé dans un rapport direct et frontal avec une assemblée réunie pour l’écouter. Cette forme de récit oral et vivant existait donc bien avant que le théâtre et ses conventions ne soit créés et en ce sens, l’épopée d’Homère est une sorte de cousin éloignée, ancêtre de l’art dramatique.

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