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Istiqlal

+ d'infos sur le texte de Tamara Al Saadi
mise en scène Tamara Al Saadi

: Les Origines

par Tamara Al Saadi

Ma grand-mère Aziza Al Badi a été mariée de force lorsqu’elle avait 16 ans, lorsqu’elle me parle de ce jour, la chose qui semble l’avoir marquée le plus, c’est le fait qu’on lui ait coupé ses longues nattes. Ma grand-mère m’a très peu parlé de son passé, cela fait des années que je regroupe des images et des souvenirs qu’elle laisse échapper de l’immense forteresse de sa pudeur. Accouchée seule, enfant mort-né, la poitrine trop lourde, le mari « sévère » pour ne pas dire violent, un militaire, sa propre mère mariée à 14 ans, Jamila...


La thématique du silence est omniprésente dans la pièce. Qu’est-ce qui existe, qui prend forme dans le silence ? Quand on est issu.e de l’immigration, il arrive qu’on doive se construire avec ces vides, sur du néant. Après des années à vouloir combler ce silence, à courir après des récits, je me suis demandée quelle était ma légitimité, la légitimité des jeunes générations à réclamer aux ancien.ne.s de raconter leurs intimités passées. Comment se construire avec ceux qui connaissent l’histoire mais ne veulent pas la dévoiler ?


Histoires des femmes de ma famille, histoire de la création de l’Irak... Génération de femmes violées ou la création du protectorat britannique sur le jeu des cartes, naissance de l’Irak. Mon arrière grand-père se serait battu contre les Anglais...


La pièce part de l’idée que toute expansion impérialiste de soumission d’une terre va de pair avec la soumission des corps féminins. Que reste-t-il de cette double conquête ? Qu’en révèlent les interactions entre les femmes racisées et le reste de la société ? Le sujet des corps comme espaces, comme territoires géopolitiques, traverse ISTIQLAL. Des corps cartographiques.


Lorsque je tombe sur les photos des femmes algériennes dévoilées en public lors de la colonisation de l’Algérie, « Si nous voulons frapper la société algérienne dans sa contexture, dans ses facultés de résistance, il nous faut d’abord conquérir les femmes ; il faut que nous allions les chercher derrière le voile où elles se dissimulent et dans les maisons où l’homme les cache. », je m’aperçois du parallélisme des conquêtes : soumettre un peuple, une terre, une société implique l’objectivation du corps féminin. Le colonisateur brise le colonisé par son action sur les femmes. Du viol à la mission civilisatrice pour faire naître une femme moderne, le femme est au cœur des politiques d’assujettissement et d’assimilation.


C’est à partir de l’histoire de ma famille, et de l’Histoire des territoires colonisés par l’Occident au Maghreb et Moyen-Orient que j’ai débuté ma recherche fondée sur une constellation bibliographique (Zahra Ali, Françoise Vergès, Sonia Dayan-Herzbrun, Frantz Fanon...). Celle-ci va se poursuivre par des entretiens avec des femmes (au sein de ma famille ainsi qu’en partenariat avec des associations franciliennes et avec le Centre culturel des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila au Liban) et des chercheurs en sciences sociales. Ainsi, la pièce traite du lien entre la transmission intergénérationnelle et l’héritage colonial. Qu’est-ce qui a été transmis au fil des âges ? Comment la transmission s’opère dans le dit et le non-dit, comme passe-t-elle par les corps ?

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