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Gretel, Hansel et les autres

+ d'infos sur l'adaptation de Igor Mendjisky ,
mise en scène Igor Mendjisky

: Entretien avec Igor Mendjisky

Propos recueillis par Lucie Madelaine

Hansel et Gretel est peut-être le conte le plus connu des frères Grimm, l’une des histoires les plus racontées, depuis des siècles, en Europe. Quel est votre lien avec cette histoire ? Pourquoi avez-vous eu envie de vous en emparer sur un plateau de théâtre ?


Igor Mendjisky : Ce qui m’a frappé de manière instinctive dans ce conte, c’est la fraternité entre les deux personnages. C’est quelque chose qui me touche profondément. D’abord parce que j’ai une sœur jumelle, mon enfance s’est donc toujours faite aux côtés d’une autre enfant. Je pense aussi à ma fille, qui a 8 ans, et dont la façon de voir le monde me fascine. 8 ans, c’est un âge particulier, la sortie de la petite enfance, un premier recul face à toutes les choses qui nous sont racontées, et en même temps nous ne sommes pas vraiment dans la préadolescence. Je crois aussi que j’ai é té mû par l’appel de la forêt. Il me fallait écrire un chemin, un parcours dans la nature que deux personnages auraient à traverser avant de découvrir cette maison faite de pain d’épices. J’avais la sensation que dans Hansel et Gretel, il y avait toute la « recette » du conte : une forêt, deux enfants, une sorcière, un sentier à parcourir. Cela constituait pour moi les outils, les ingrédients d’une histoire. Au cours de mon travail d’écriture, j’ai lu énormément d’essais et de critiques autour du texte initial. J’ai parfois été surpris de découvrir certaines pensées extrêmement analytiques de cette histoire, je me demandais alors « Sommes-nous bien sûrs que les frères Grimm voulaient dire tout cela ? ». Les thèmes les plus souvent abordés à la lecture de ce conte – la pauvreté, la place d’une femme mauvaise et menaçante – ne constituaient pas ce qui m’intéressait le plus. Je me suis inspiré de cette recette, et je tente de raconter ce qui me touche à l’intérieur de celle-ci.


Vous nommez votre spectacle Gretel, Hansel et les autres. Qui sont ces « autres » ?


Les adultes ! Lorsque j’ai commencé à raconter cette histoire à ma fille, je l’ai interrogé e sur quelques-unes de mes idées, et il lui est apparu absolument nécessaire de faire apparaître dans ce conte sa vie de tous les jours : les parents, la maîtresse, les autres enfants de la cour de récréation, celles et ceux qui s’inquiètent – ou pas – de cette disparition. Le monde n’est pas seulement fait de sorcières ! Dans mon texte, Gretel et son petit frère Hansel décident de partir dans la forêt plutôt que de rentrer à la maison un soir d’école. Personne ne les a abandonné s. Du moins, pas de façon littérale mais plutôt métaphorique. Leur père travaille beaucoup, leur mère est un peu trop dans sa bulle. Aujourd’hui, nous abandonnons les enfants à cause de notre travail, de notre quotidien. Je voulais parler de cet abandon-là, qui est invisible. Gretel se sent abandonné e et un peu dé goûté e de ce qu’elle aperçoit du monde des adultes. Elle n’a aucune envie d’entrer dans ce réel de la grisaille, où rien n’a plus de goût, ni le sucré , ni le salé . Les préoccupations des adultes ne lui semblent pas être à la hauteur de sa vie. Alors elle décide de partir et embarque avec elle son petit frère, qui, étant bien plus jeune, a encore ses yeux d’enfant. Elle se dit que ce regard de petit garçon pourra l’aider à redécouvrir le monde autrement. Hansel, lui, suit sa grande sœur joyeusement, il est plutôt heureux de partir à l’aventure.


Vous racontiez plus haut la façon dont la forme, la « recette » du conte des frères Grimm a été votre premier moteur d’écriture. Pouvez-vous nous dire comment cela se traduit sur le plateau ?


Le premier mot qui m’est venu à l’esprit était « maquette ». Je voulais jouer. Sur le plateau, dans une chambre d’enfant, dans un désordre quotidien, des maquettes sont disposé es pour nous emmener ailleurs, pour raconter un paysage, un autre temps : la cour d’école ou le commissariat par exemple. Toute une machinerie miniature est mise en place dans cette chambre : des caméras sont placées, filment en direct et projettent leurs images sur un drap, des stylos deviennent des marionnettes, une bruiteuse est pré sente sur le plateau et cré e de l’ailleurs. L’émerveillement, c’est aussi celui du public qui assiste à un spectacle en train d’avoir lieu. Pour cela, je me suis souvenu de tout ce qui moi, enfant, m’avait touché , à la dé couverte de ces métiers du spectacle et je les ai rassemblé s sur un plateau. Cette histoire, elle se joue comme deux enfants joueraient dans leur chambre et décideraient alors que la chaise du bureau est tout à coup un arbre qu’il ne faut surtout pas toucher. L’enfant est à cet endroit presque le spectateur idéal : il croit à tout, il imagine avec vous tout ce que vous êtes en train de raconter. C’est une sensation fantastique à observer. Les enfants réfléchissent de manière entière, de façon extrêmement organique, sensible, sans filtre. Et je souhaite que les adultes, qui seront là aussi, puissent également ressentir une sensation d’émerveillement et se dire « il y a quelque chose de magique dans l’écoute de ce ré cit », et qu’ils se demandent si une des ré pliques ne leur est pas destinée particulièrement. Je suis persuadé que nous, enfants comme adultes, nous pouvons plonger joyeusement dans une histoire. C’est l’imaginaire et la puissance du public qui sont mis sur le plateau, avant tout.


  • Propos recueillis par Lucie Madelaine
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